Edito de octobre 2019 : Voyage en absurdie
J’aime les épreuves mondiales à la télévision à défaut d’être sur place. Quel que soit le sport, les meilleurs athlètes se rencontrent et c’est toujours, pour moi, un spectacle à vivre en direct. Mais, entre la chaleur suffocante, l’absence de spectateurs qui saute aux yeux et qui interroge, l’organisation défaillante et l’écologie malmenée, les Mondiaux d’athlétisme à Doha du 27 septembre au 6 octobre sont une démonstration flagrante de ce que l’argent peut engendrer comme bêtise et vanité humaines !
Ces 42 degrés rendent, pendant la journée, toute balade extérieure impossible et, avec 75% d’humidité, proposent un véritable sauna à ciel ouvert. Les épreuves, donc, se déroulent la nuit – ce qui n’est pas pour me déplaire, la journée je ne pourrais les voir – mais, même quand le soleil est couché, les températures flirtent tout de même avec la barre des 35° et les abandons arrivent en cascade à l’exemple du Français Yohann Diniz, champion du monde 2017 à Londres ou des 28 athlètes féminines sur 68 engagées pour le marathon. Des épreuves en extérieur handicapant les participants hors de l’enceinte du Khalifa stadium où grâce à un climatiseur géant, la température reste à 25°. A-t-on vraiment mis les athlètes en avant en organisant les jeux dans le désert ? On en doute et ceux qui restent réalisent des temps loin des records face aux nombreux athlètes défilant sous la tente médicale, images à l’appui de défaillances frappantes.
Tout cela se passe avec un nombre anormalement bas de spectateurs dans le stade, 8 000 spectateurs pour la finale du 100 m samedi 28 septembre dans un espace pouvant en accueillir 48 000. Peu de mobilisation des qatariens, 50 000 billets ont été vendus pour l’ensemble de la compétition, absence de sanitaires pour les femmes dans les stades et parait-il, ce sont les travailleurs immigrés qui, amenés par bus entiers, deviennent des fans d’athlétisme !
Et l’impact environnemental, on en parle ? Pour un pays déjà classé parmi les plus mauvais de la planète en terme d’empreinte écologique, la question est loin d’être neutre. Car cet événement qui se déroule en ce moment et celui à venir en 2022, le Mondial de Football, doivent servir de vitrine écologique au Qatar qui compte que 2.6 millions d’habitants. Un seul des 8 stades prévus pour la Coupe du Monde de foot accueille les Mondiaux d’athlétisme et l’on sait déjà que les 3 000 bouches de climatisation permettant de rafraîchir le stade sont très coûteuses en énergie. On connaissait les canons à neige, maintenant ce sont les canons à climatisation. Les organisateurs répètent que les technologies employées sont innovantes et utilisent 40% d’énergie en moins, on reste perplexe pour un stade à ciel ouvert. Le Qatar investit bien en masse dans l’énergie solaire, cependant à cause des fortes chaleurs et de la poussière, cette solution n’est pas la plus viable, le Khalifa stadium n’étant pas encore alimenté par cette énergie ! Les Mondiaux à Doha ne sont pas à un paradoxe près : un stade climatisé qui se transforme en guirlande lumineuse la nuit, dessalement à outrance de l’eau de mer mais limitation des bouteilles d’eau en plastique. Est-ce que des Championnats du Monde au Qatar sont bien raisonnables si ce n’est que pour l’argent ? D’ailleurs à qui profite-t-il ?