L’édito d’Alex : Rendez-nous notre moutarde
Depuis le printemps, nous connaissons une pénurie de moutarde dans les rayons de nos supermarchés. Comme pour le papier toilette au temps du Covid, certains consommateurs se sont rués sur les stocks pour en faire une réserve abondante. Cette situation a même créé un vent de panique poussant les enseignes commerciales à limiter les ventes à un pot par acheteur. Il faut dire que nous sommes l’un des pays les plus consommateurs, chaque Français en ingère en moyenne un kilo par an. La moutarde de Dijon est sur toutes les tables et accompagne nombre de plats, un condiment délicieux qui nous manque à tous. Une denrée rare donc en 2022, qu’elle soit forte, demi-forte ou légère, la moutarde fait cruellement défaut à notre palais.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la France ne produit quasiment plus de graine de moutarde. La pénurie que nous subissons est simple à comprendre : une conséquence directe du changement climatique et des problèmes politiques de certains pays exportateurs. En effet, qui dit pénurie de produits finis, dit manque de matières premières, la France, avec ses 32 000 tonnes de graines de moutarde consommées par an, importe 80 % de sa consommation principalement du Canada. Et c’est bien les aléas météorologiques en 2021, dus à la sécheresse exceptionnelle du nord des États-Unis, qui a fait baisser la production de moitié. Nous nous fournissons également en graine en Russie et en Ukraine. Pas de bol, depuis le début de la guerre, la circulation des marchandises est impactée !
Il y a bien une petite production française mais, depuis plusieurs années, les agriculteurs se désintéressent de plus en plus de l’exploitation de grains de moutarde, jugés trop peu rentables et trop vulnérables aux insectes. En effet, la France interdit depuis la fin des années 2010 l’épandage d’insecticides. Pourtant, de nombreux producteurs affirment que leur utilisation ne nuit pas aux insectes pollinisateurs.
Résultat, la pénurie est bien présente et les prix des grains vont par effet de raréfaction augmenter. S’ajoute la forte hausse des prix des emballages, du transport, du vinaigre et bien sûr de l’énergie, la moutarde quand elle arrivera à nouveau sur nos étals, sera-t-elle au même prix que le caviar ? Quant à la Belgique ou les Pays-Bas, la situation a l’air moins tendue, les distributeurs ne font pas état de grosses difficultés, la disponibilité reste correcte. Pourquoi ont-ils du stock et pas nous ? Car nos voisins en consomment moins tout simplement et qu’ils la préfèrent plus douce que la moutarde de Dijon, plus relevée, plus piquante et plus forte en goût.
Heureusement, la moutarde devrait revenir dans nos rayons prochainement car, paraît-il, la récolte 2022 a été importante et redevenue normale.