Touché….coulé
Qui n’a jamais joué à ce jeu de bataille navale ? En prononçant cette expression « Touché… coulé », on imagine parfaitement le bateau militaire coulant après avoir été torpillé. En ce début février 2023, soit 60 ans après sa construction, le porte-avions « Foch », fierté de la Marine Nationale Française, a été sabordé sciemment, au contraire du jeu, à 350 km des côtes brésiliennes, s’enfonçant alors entièrement dans les eaux de l’Atlantique à 5 000m de profondeur.
Long de 265m et pesant 25 000 tonnes, le « Foch », bien qu’il soit déjà à bout de souffle, était passé pour 12 millions d’euros sous pavillon brésilien en 2000 et rebaptisé pour l’occasion « São Paulo ». En 2017, la Marine du Brésil le retire définitivement du service, refusant à la fois sa modernisation bien trop chère ce que l’on peut comprendre et sa transformation en musée flottant. Le porte-avions est mis aux enchères, notamment pour sa coque. Une entreprise turque remporte alors le chantier de déconstruction pour 1,6M€. Remorqué dans les eaux de la Méditerranée, le bateau est refusé d’accès par le ministère de l’Environnement turc en août dernier et erre dans les eaux territoriales brésiliennes sans autorisation d’accoster.
Son petit frère, le porte-avions «Clémenceau» qui avait subi pour sa part un désarmement en 1997 a suivi une triste errance de port en port avant d’être finalement démantelé en Angleterre entre 2009 et 2010. Le «Foch» ne subira pas le même sort, pas de démantèlement pour lui mais un sabordage en bonne et due forme dans l’Atlantique. Cette décharge flottante, refusée par les Turcs avec son état de dégradation très avancé, le risque était trop élevé pour l’environnement selon la Marine brésilienne pour un retour dans un port. Mais alors, pourquoi donc couler cette embarcation hautement toxique, une coque remplie d’amiante, de peintures, de joints en caoutchouc, de cartes électroniques, de milliers de tubes fluorescents au mercure, de batteries, d’hydrocarbures et autres déchets empoisonnés !
Même si la marine brésilienne justifie sa décision en soutenant que c’était la seule solution de couler la coque du navire «de façon contrôlée», cela reste un crime environnemental, une pratique de sabordage que l’on pensait révolue. La France a pourtant une forme d’expertise dans le démantèlement avec des recyclages de navires en fin de vie à Bordeaux, Le Havre ou Brest. Le chantier de démolition du porte-avions Foch a été plus radicale, une trentaine de charges explosives plus tard, la décomposition hautement toxique de l’épave est inéluctable, transformant une fois de plus, une fois de trop, nos océans en poubelle.