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A propos de la fontaine Godineau de la place Saint-Martin

Avec ou sans eau, la fontaine Godineau paraît quelque peu oubliée, il est vrai, quant à son origine ; aussi son histoire mérite-t-elle bien d’être contée.

Comme son  nom l’indique, le fondateur de ce monument dit alors d’utilité publique fut Henri-Joseph Godineau de Villechenay (Vendôme 1732/1811). Fils de André-Jean Godineau et frère aîné de André-Jean-Henri, tous deux procureurs du roi à Vendôme (deux plaques commémorant la vie active de ces derniers hauts personnages vendômois sont d’ailleurs apposées et bien lisibles dans la chapelle axiale rayonnante Notre-Dame de la Trinité), Henri-Joseph fut, lui, avocat aux Conseils du roi en cette même ville.

Un legs de 10 600 F

Par testament olographe daté de Paris le 1er octobre 1801 et par codicille fait à Naples le 20 janvier 1803, notre concitoyen léguait à la Municipalité de Vendôme une somme de 10 600 francs destinée à l’érection d’une fontaine publique sur la petite place Saint-Martin par devant le portail occidental de l’ancienne église détruite en 1854.

La mort du sieur Godineau étant survenue le 29 novembre 1811, les dispositions testamentaires ne furent connues, par le Conseil Municipal avec M. Bucheron Boisrichard pour maire, que le 30 janvier 1812. Ainsi, les frais de construction de la fontaine seraient prélevés directement sur les ventes des biens de Picardie et de Santerre appartenant au généreux donateur qui prévoyait, en outre, que son corps fut également inhumé sous le monument lui-même, son alimentation en eau devant provenir de la source dite “du Pissot” à la Chappe.

Dans un premier temps, le Conseil accepta ce legs avec reconnaissance mais aussi, sans doute, avec trop d’empressement, car le 12 juin suivant (1812), une deuxième délibération s’avéra nécessaire. La séance fut longue et les élus s’apercevant très vite que la somme proposée était de loin inférieure au montant des dépenses envisagées, après mûre réflexion cette fois, arrêtèrent ce qui suit :

“Considérant que l’établissement d’une fontaine publique dans la ville de Vendôme dont la rivière le Loir baigne presque tous les quartiers et dont les maisons sont pourvues de puits, n’offre sous les rapports d’incendie et d’utilité particulière aucun avantage réel”.
“Considérant que les dépenses à faire pour se procurer la source d’eau qu’il faudrait amener de la Haute-Chappe, distante de 1500 mètres de la place Saint-Martin, surpasseraient de beaucoup la somme léguée par M. Godineau”.
“Considérant que la ville se trouverait entraînée dans une dépense considérable pour la construction d’une fontaine dont l’utilité serait nulle”.

Le Conseil arrête :
“1) La somme de 10 600 francs léguée à la ville de Vendôme par M. Joseph Godineau, ancien avocat au Conseil de France, sera employée en frais d’établissement de réverbères pour l’éclairage des rues de ladite ville”.

“2) Un marbre noir sera placé dans la salle des séances du Conseil municipal avec ces mots : l’établissement des réverbères est dû à la munificence de M. Godineau”.

“3) Il sera adressé à Mademoiselle Godineau, soeur du testateur et à M. Godineau de Lepeau, son exécuteur testamentaire, une lettre de remerciements pour leur gracieux consentement”.

Louable intention en vérité, mais le Conseil ne respectait nullement les dernières volontés du donateur” qui voulait faire couler en sa ville des flots d’eau et non des flots de lumière.”

Il faudra attendre le 12 juin 1824 pour qu’une ordonnance royale autorise enfin la ville à accepter ce don. Toutefois, six mois auparavant, le 15 janvier (1824), le Conseil Municipal avait déjà ajourné tous projets concernant l’emploi de ce legs qui tardait à être versé. Pourtant, le 13 mai de cette même année (1824), le maire M. Mareschal annonçait le prochain versement des 10 600 francs de la fondation et le 15 juillet suivant, après 13 ans de difficultés, l’argent était déposé chez un notaire parisien. Les volontés du testateur pourraient bientôt se concrétiser car l’idée d’une fontaine avait fini par l’emporter.

fontainegodineau

L’eau du Pissot

Le 14 juillet 1825, la municipalité émettait le voeu que le monument se trouvât isolé sur la place St Martin, face à la rue au Bled (rue au Blé), dans l’axe du porche de l’église et non pas adossé, comme aujourd’hui, à la tour par crainte d’une possible humidité dans le mur du beffroi.

Par la même délibération, le Conseil lançait les adjudications des travaux et votait surtout les fonds supplémentaires nécessaires à leur réalisation.

En 1827, la conduite souterraine amenant les eaux du “Pissot”, arrive Place St Martin, mais l’emplacement définitif de la fontaine reste encore à déterminer, aussi trois projets seront-ils proposés.
Enfin, le 5 octobre 1828, la fontaine Godineau fut inaugurée en présence de MM. Lazare-François Mareschal, maire, Josse-Boisbercy, sous-préfet, Louis-Henri-Aimé Godineau, premier adjoint, Boutrais, procureur du roi, Palaiseau, architecte de la ville, de plusieurs conseillers municipaux et d’un nombreux concours de citoyens de tout âge.

“L’eau ayant coulé selon les projets, il a été reconnu que les travaux avaient été bien exécutés… à la grande satisfaction des habitants”.

Suivant une certaine tradition, on rapporte que durant la nuit qui suivit l’inauguration, un Vendômois facétieux vint accrocher sous l’inscription : “Simon-Joseph Godineau à ses concitoyens” une pancarte sur laquelle on pouvait lire :

“A ses concitoyens, Joseph Godineau ne donne à boire… que l’eau”.

Cette fontaine fut donc, dans un premier temps, érigée au milieu du grand carrefour engendré par les rues de l’Ecrevisse (au nord de l’église), au Bled et Saint-Martin (au sud) délimitant alors une étroite place dite de Saint-Martin au droit de la façade ouest de l’église paroissiale.

Elle sera transférée au pied du clocher dix ans plus tard, en 1838, suite à un spectaculaire accident survenu un jour de grand gel. L’eau répandue en glace dans le carrefour sur la chaussée causa la glissade des six chevaux de la diligence Paris-Bordeaux qui durent être abattus.

De nos jours, la fontaine Godineau n’est plus alimentée par la source du “Pissot” et ce vraisemblablement depuis la seconde guerre mondiale, mais par l’eau de la ville et les aléas des travaux de restauration ou la volonté des édiles font qu’elle coule, par intermittence, dans le temps.

Article paru dans le Petit Vendômois de novembre 2001

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