Connaissez-vous Hildebert de Lavardin ?
«Il est un lieu du Vendômois privilégié par excellence, où les grands souvenirs s’unissent aux splendeurs de la nature et aux magnificences de l’art, où le présent et le passé agissent puissamment sur l’âme. Ce lieu, c’est Lavardin.»
Ainsi commence l’ouvrage de M. P. de Déservillers consacré à Hildebert de Lavardin ou Hildebert de Tours (1) (1056 ou 1057 – 18 décembre 1133) nous invitant d’abord à admirer ce château de Lavardin «noble débris des vieux temps», près duquel naquit Hildebert, fils d’Hildebert et d’Hersende, descendant des Francs.
Hildebert, grand et saint prélat du XIIe siècle (dont la vie et les oeuvres sont connues grâce aux «gestae» des évêques du Mans), fut aussi poète, écrivain, orateur et réformateur. M. A. de Margerie, dans la préface de ce livre le considère comme «l’une des gloires du Vendômois» . Alors pourquoi continuer de l’ignorer de nos jours ? Car, contemporain de Guillaume de Champeaux, de Saint Yves, de Saint Hugues, de Geoffroy de Vendôme, il entretint avec eux «les plus intimes relations de l’intelligence et du coeur»
Il fut d’abord écolâtre à l’école cathédrale du Mans puis étudia à Tours, sous Bérenger. Nommé diacre puis élevé à la dignité d’archidiacre d’Angers en 1091, on retient de lui de nombreux écrits, poèmes et correspondances avec princesses et seigneurs de la region . Connu aussi pour son ouvrage sur la Reine Radegonde (Sainte), reine des Francs (520-587), il écrivit également des pièces de théâtre comme la comédie «le Grincheux» (en 5 actes) inspirée de Plaute (2).
Il n’est pas du tout sûr qu’il fut moine, mais l’un de ses frères, Geoffroy, entra au monastère de Marmoutier, consacré par ses parents à la prière, pour le salut de la famille ! Hildebert ,par la suite, se trouva au centre de la fameuse «querelle des investitures» (l’évêque doit-il être nommé par le Pape ou par l’Empereur ?) ! Ce XIIe siècle étant l’un des plus batailleurs de notre histoire angevine et tourangelle : fallait-il obéir au Duc d’Anjou, au Duc du Maine, à celui de Tours, à l’Eglise (le Pape) ? D’où la turbulence des grands seigneurs sur des terres disputées par des évêques aussi… De plus, la Normandie, toute proche, se mêlait de ces intrigues en intervenant car Guillaume Le Roux, Roi d’Angleterre, était également régent du duché de Normandie : d’ailleurs, Hildebert, pour s’être opposé à ce monarque, fut fait prisonnier des Anglais quelque temps avant 1098 ! Il ne s’agissait pas encore de la guerre de Cent Ans ! (voir les cartes de France du Haut Moyen-Age sur Google donnant explicitement les découpages géographiques des duchés, comtés, marquisats, etc … et les territoires du Roi de France).
Enfin, on retiendra de cet illustre ecclésiastique moyen-âgeux qu’il fut réformateur de l’Eglise sous l’influence d’Henri de Lausanne sans devenir pour autant un hérétique comme lui. Il voulait réformer les moeurs du clergé du diocèse de Tours, tâche ardue, qui lui valut des contradicteurs et des ennemis, mais la réputation d’Hildebert était au-dessus de toute attaque ! Les difficultés qu’il rencontra comme évêque du Mans (1098), puis comme archevêque de Tours (1125), en se heurtant à des ecclésiastiques plus occupés à préserver leurs biens matériels (terres) qu’à prêcher les valeurs spirituelles… furent surmontées grâce à sa «douce persévérance» et à son art de la persuasion ; malgré tout, certaines excommunications et peines qu’il prononça durent être levées car des intrigues auprès du Pape Honorius II lui donnèrent tort. Mais réconcilié avec le pape qui succéda à ce dernier, il n’en conçut aucune amertume, heureux dans son diocèse de Tours, prêchant et écrivant, jusqu’à sa mort le 18 décembre 1133.
L’église romane St Genest de Lavardin, bijou de notre région, fut contemporaine de ce Vénérable. On peut imaginer que , de Tours, et malgré ses nombreux périples à Rome et aux différents synodes organisés à cette époque (dont Nantes), il aimait venir y retrouver ses racines et… peut-être aussi ses deux autres frères Salomon et Drogon !! ?
Françoise Rivière-Alptuna
(1) Hildebert et son temps : un évêque au douzième siècle / le comte P. de Déservillers / 1876. Source : Gallica. bnf.fr / Bibliothèque Nationale de France
(2) Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, archevêque de Tours ; sa vie, ses lettres / Picard / 1898