Vendôme, la belle histoire de ses places
Vendôme, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, a toujours possédé plusieurs «places publiques». Quatre d’entre elles, dès leur origine, n’étaient que des carrefours de rues, places du Marché et Saint-Martin, ou l’élargissement de l’une de ces voies : places de la République, et de la Poissonnerie.
C’est trois autres places restèrent très longtemps des espaces restreints (places de la Madeleine, des Pâtis, du pont Chartrain) et il fallut attendre les deniers siècles pour percevoir véritablement leur évolution, voire la disparition de deux d’entre elles. C’est ce à quoi nous allons nous intéresser dans le présent article.
Place de la Madeleine
La place primitive est attestée en 1487 lorsque l’église dédiée à Sainte-Marie-Madeleine construite en 1474 devint église paroissiale. Mais ses dimensions ne dépassant pas alors la largeur de la façade occidentale de l’édifice la feront longtemps considérer comme un lieu de peu d’importance.
Pourtant, cernant cette étroite place, le four banal, à l’angle des rues Saint-Jacques et Poterie, l’ancien Hôtel de Chicheray, lui faisant face, racheté pour en faire une école catholique en 1578 (parking privé de l’Hôpital), puis transformé dès 1623 en hospice de la Maison-Dieu qui n’aura de cesse de s’agrandir vers le nord, enfin l’église elle-même, allaient créer, de toute évidence, une certaine animation.
Un inventaire des propriétés communales de la ville en date du 5 Germinal, an XIII (26 mars 1805), nous apprend que cette petite place (alors qualifiée de terre-plein) sur laquelle se tenait autrefois la foire aux vaches (transférée par la suite sur le quai Saint-Michel de part et d’autre du premier pont en bois établi 20 m en aval de l’actuel pont en pierre) avait cédé sa fonction à une foire aux porcs et bêtes à laine et que maintenant cet espace n’était plus qu’un carrefour, là encore qualifié… sans réelle utilité.
Sur le plan urbanistique, les changements les plus spectaculaires s’effectuèrent dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est ainsi que le pâté de maisons situé à l’angle sud-ouest des rues Poterie et des Béguines fut exproprié à partir de 1837 et que les travaux d’agrandissement de la place furent entrepris en 1864/66. La place prit alors, sinon son aspect actuel, du moins ses dimensions ; son inauguration eut lieu le 30 juin 1873.
Situé en face du n°2 de la rue des Béguines, un puits communal pourvu d’une pompe à balancier, enserré jusque là dans les maisons expropriées, était encore visible dans les années 1950. C’est en 1869, sur pétition, que les habitants du quartier demandèrent une pompe car bien que pourvu d’une «fermeture en bois amovible», le puits se trouvait le plus souvent souillé par des ordures…
Au début du XXe siècle, la place accueilli le marché aux fruits. Entre les deux guerres mondiales, les marchands ambulants, en plus de la place Saint-Martin, s’y installèrent le vendredi et les jours fériés. Une timide reconduction de ce marché hebdomadaire eut lieu dans les années 1950 (au sol encore en terre battue) et… en 1977, sans grand succès apparemment.
Aujourd’hui, la place goudronnée, bien ombragée, n’assure plus que le stationnement gratuit, mais en zone bleue, des automobiles.
Place des Pâtis
Peu étudiée, donc peu connue, faute de sources archivistiques probantes, cette place était située sur une des nombreuses îles engendrées par les différents bras du Loir et sur laquelle île dénommée alors Isle des Pastis, à partir du début du XXe siècle (1905), viendra se développer l’Hôpital-Hospice de la ville. Elle était comprise entre la rivière Saint-Denis, au nord, le bras de l’île Madeleine, au sud et le canal artificiel du Boisseau d’eau Saint-Michel, à l’est, (qui rejoignait ces deux cours d’eau), lui-même comblé vers 1798.
Assurant, selon une certaine tradition, les exécutions capitales (par décapitation), remplaçant comme nous le savons, après le XVIe siècle, la place du Pilori (place du Marché), cette place, non située précisément sur l’île, devait être accessible par l’actuelle impasse des Tanneurs, depuis la rue Poterie (aujourd’hui, entre les numéros 72 et 74), pour arriver à proximité de l’arche dite au(x) Bourreau(x), la bien nommée. En effet, on est en droit de penser qu’au XVIIe et XVIIIe siècles, de par le toponyme même de cette porte d’eau, la maison des bourreaux de la ville, familles par ailleurs très bien étudiées(1), devait se situer non loin de là, hors les murs, proche de leur «lieu de travail», à savoir cette place parfaitement ignorée de nos jours, car très tôt disparue. Encore fallait-il pour s’y rendre, une poterne et une passerelle pour franchir à la fois la muraille occidentale de la ville et le canal du Boisseau Saint-Michel.
En effet, le cadastre napoléonien de 1811 n’en mentionne déjà plus l’existence.
Place du pont Chartrain
Non connu sous cette appellation, cet espace n’était, là encore, qu’un vaste carrefour engendré par le chemin de Chartres (devenu par la suite le Grand Faubourg, puis la rue du faubourg Chartrain), l’ancienne Butte des Arbalétriers (devenue promenade des Arrières-Fossés, puis du Mail, enfin le Mail Leclerc en 1948) et le chemin de Saint-Ouen ou de Paris (devenu rues du Champ-de-Mars, puis du Docteur Faton, en 1913). Mais ce fut le comblement du «Boulevard» en avant du pont, en 1809, qui renforcera l’idée de véritable place.
Ce Boullevert de la Porte Chartraine (désigné comme tel dans les documents), avec sa demi-lune et son large fossé en eau dérivée du bras Saint-Denis, ouvrage militaire défensif, sorte de barbacane, était là pour protéger l’entrée nord de la ville alors fortifiée, sans doute depuis le XIVe siècle. Et lorsque les premières maisons commencèrent à s’élever hors les murs, en avant du pont chartrain alors en bois, leur alignement dut tenir compte de l’emprise de cette demi-lune expliquant, le biais des façades, côté ‘est’ et leur important recul par rapport à la rivière, côté ouest. Le comblement de ce Boulevard favorisa d’ailleurs la création de deux parcelles privées, rive droite du Loir, avec au moins la construction d’une bâtisse non loin de l’angle nord-est du pont (emplacement de l’actuel large trottoir). Bien repérables sur le cadastre de 1811, ces deux parcelles s’étirant jusqu’au droit de la rue de l’Islette, furent supprimées à partir de 1844 élargissant d’autant l’entrée étroite de la rue du Champ de Mars (Dr Faton) qui conduisait maintenant au nouveau Champ de Foire.
À partir de 1792, ce carrefour se verra doté d’un premier arbre de la Liberté planté précisément sur le Boulevard et arraché lors du passage des Volontaires parisiens. Puis, pour des raisons politiques, d’urbanisme ou de dépérissement naturel, plusieurs autres arbres(2) de différentes essences (au nombre de quatre), se succéderont avec plus ou moins de succès jusque vers 1950.
C’est encore dans ce même carrefour devenu le symbole patriotique de la ville que le premier monument aux Morts fût érigé et inauguré le 13 novembre 1921. Mais pour des problèmes évidents de circulation (tracé de la Nationale 10), ce monument fut transféré au cimetière de la Tuilerie, tandis qu’une nouvelle stèle due à l’architecte Michel Marconnet et au graveur Francis Houdebert était inaugurée le 11 novembre 1968, aux «Petits Jardins» (square Belot), angle des rues Geoffroy Martel et Antoine de Bourbon.
En 1913, le carrefour jusque là sans dénomination particulière faillit s’appeler, à cause de ses arbres, place de la Liberté. Ce fut finalement le nouveau Champ de Foire de l’Islette qui prit le nom et la notion de place du pont Chartrain disparu du même coup.
Le 6 mai 1984, enfin, réaménagée avec son rond-point abondamment fleuri et ses plots directionnels, cette pseudo place prit officiellement le nom de Carrefour des Rochambelles.
Note (1) : Le Petit Vendômois, n° 288, décembre 2012.
Note (2) : Le Petit Vendômois n° 210, novembre 2005.
Références bibliographiques :
Archives départementales, communales, Fonds ancien de la Bibliothèque de Vendôme et de Saint-Ouen.
Recherches, étude et dossiers personnels.
Références iconographiques : Collection particulière. : place de la Madeleine – carrefour du pont Chartrain.