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La Rustine à vélo de La Chartre-sur-le-Loir

Brevetées peu après la Grande guerre, les petites rondelles «unies pour la vie» avec les cyclistes furent fabriquées dès 1934 au bord du Loir. Un nom propre devenu… Très commun.

Devinette : qu’est-ce qui est né en même temps que le Tour de France ? Réponse : les rustines à vélo ! Une histoire à la fois simple et passionnante qui a fait d’un nom propre toujours bien connu et porté à La Chartre-sur-le-Loir… Un nom commun entré dans le langage courant.

Ces petites pastilles à languette dont l’usage est devenu évident sont, comme souvent, la réponse à un besoin. Au tout début du XXe, alors que le Tour de France vient de naître à l’initiative du journal L’Auto (ancêtre de L’Équipe), Louis Rustin est lui-même coureur amateur. Un sport tout nouveau qui passionne les jeunes de son époque. Il n’a que 23 ans et connaît, comme ses camarades, la galère des crevaisons sur les mauvaises routes autour de Paris.

rustines5 330 Testées en famille

Avec un camarade, Jean Larroque, il ouvre aux Batignolles (XVIIe arrondissement de Paris) une boutique-atelier de réparations et de rechapage des pneumatiques «pour tous véhicules», des bicyclettes aux premières voitures automobiles. Dès 1908, à Clichy, Paul Dournenjou, ingénieur chimiste, les rejoint pour imaginer une première invention à base de petits ronds de caoutchouc à coller : le «Dispositif pour éviter l’éclatement des pneumatiques». La réclame parle alors de «Réparation instantanée des chambres à air»… Une véritable innovation !

Passé la Grande guerre, Louis et ses amis poursuivent leurs recherches et les essais sur route. L’arrière-grand-père du dirigeant actuel (qui porte le même prénom) met à contribution toute sa petite famille pour rouler le dimanche et tester ce qu’ils baptiseront finalement les «Rustines». Dans la boîte dont tous les éléments sont brevetés en 1922, on trouve les rondelles à languette, le petit tube de colle «Dissolutine» et la «râpe» en papier de verre fin pour nettoyer le point de crevaison. Le succès grandit vite. Les millions de cyclistes connaissent les rustines qui, à l’usage, deviennent un nom commun. Le slogan «Unis pour la vie» fait mouche, mêlant astucieusement l’aspect inséparable de la chambre à air, du pédaleur et de son fournisseur.

Bourvil et « Rustine »

Dès 1934, Louis Rustin délocalise la production dans l’ancienne filature de Crousilles à La Chartre. Un site idéal, non seulement parce qu’il est équipé de turbines et qu’il ne manque pas de main-d’œuvre mais aussi pour la pêche sur le Loir dont il raffole. Les rustines sortent par millions de l’usine de La Chartre dynamisée par le plan Marshall, jusqu’à atteindre 30 millions d’unités par mois vers 1950  ! André Bourvil peut ainsi chanter sa «Môme Rustine» (1955) :

Elle travaillait dans une usine
Elle collait des petits morceaux
De caoutchouc à la sécotine
Pneu à pneu ça faisait des boyaux
(…)
On l’appelait la môme Rustine
Et dès les beaux jours à vélo
Elle passait par la porte Dauphine
Car porte St Cloud, on crève trop

… Une consécration pour la petite rondelle chartraine ! Aujourd’hui, le mot s’utilise aussi au figuré, quand on parle, par exemple, de coller une rustine sur un problème, signifiant ainsi une solution provisoire. Et pour l’anecdote, un Café-vélo de la ville d’Orange, lieu adapté aux nouvelles tendances, a choisi de s’appeler «La Rustine». L’aventure continue et Louis Rustin junior dirige une entreprise reconnue pour ses joints d’étanchéité dans le domaine des transports routiers, ferroviaires, aéronautiques, avec une avancée vers des matériaux plus vertueux.

Et pour boucler la «boucle», le Tour de France, le 9 juillet 2004, est passé juste devant l’usine de La Chartre au cours de l’étape Bonneval-Angers, via Mondoubleau, Bessé-sur-Braye, Poncé-sur-le-Loir et Ruillé. Comme pour fêter les 100 ans de l’entreprise !

Sources et droits d’images : société Rustin

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