Connaissez-vous quelqu’un qui n’aime pas Le Petit Trôo ? Comme pour le Comté, ce serait vraiment difficile à trouver dans le Vendômois et plus loin encore ! Il n’est pas une famille qui, faisant ses courses, ne dépose délicatement de temps en temps ce petit rond de 7,5 cm de diamètre et de 150 grammes au dessus de son panier ou de son chariot.Tous connaissent son emballage de papier simplissime, orné de la collégiale romane de Trôo. Un dessin d’origine qui n’a jamais été repris, pas même quand sa fabrication a migré aux portes de Montoire.
L’histoire commence en 1951. Quelques producteurs de lait de vache des villages environnant Montoire s’unissent en coopérative dans un hangar de Trôo. Ils écoulent ainsi leur lait et une crème de belle qualité. Quelques années plus tard naîtra un petit fromage à pâte molle, demi-sec, à l’image des fromages de chèvre ronds que les paysans ont toujours vendu sur les marchés. On appose très naturellement l’image de la collégiale sur le simple papier qui le protège.
Moulé à la main
En 1962, Maurice Charpentier, venu de Sologne, prend la direction de la coopérative qui déménagera en 1974 dans une zone artisanale de Montoire. Il s’attache à développer Le Petit Trôo, dépose la marque et lui donne sa notoriété. Jacky, son fils, est dans ses jambes très jeune à la laiterie. Avec son épouse Valérie, il prendra les commandes en 1991. Quarante ans plus tard, ils s’apprêtent à passer la main en douceur à leurs enfants. Ce sont eux qui ont décliné Le Petit Trôo : le blanc et le cendré, «l’ail», le «fines herbes», le «poivre».
Autant de produits appréciés aujourd’hui à plus de cent kilomètres à la ronde. Car on trouve Le Petit Trôo jusque dans le nord de la Sarthe, dans l’Orléanais, à Tours, etc. grâce à un système de distribution bien rodé qui sait répondre à la demande des petits revendeurs comme des centrales d’achat de groupes tel Système U. Mais Jacky Charpentier l’affirme : «on n’a jamais voulu devenir des industriels, nous sommes des artisans… Le Petit Trôo est toujours moulé à la main, faisselle par faisselle, et présenté dans des cagettes en bois.»
Vaches normandes
Y a-t-il un secret à la longévité de ce produit vendômois plus que sexagénaire ? Comme souvent, on peut avancer la simplicité d’un fromage issu d’un lait choisi. C’est le patron lui-même qui se rend tous les deux jours pour la collecte à la ferme d’Emmanuel Leclerc à Couture, lequel a aussi succédé à son père (ancien maire). «Il a une centaine de vaches normandes, les meilleures pour le fromage à pâte molle ; leur lait fournit plus de matière sèche utile que les autres.» Une deuxième ferme, à Artins, fournit également la laiterie selon les besoins.
Une fabrication restée traditionnelle, l’affinage et le savoir-faire des Charpentier et de leurs dix salariés donnent au Petit Trôo une certaine finesse de pâte sous une croûte légèrement fleurie. Et puis il a bonne mine avec ses petites stries et sa couleur «jaune crème à blanc cassé». Un ami idéal pour le gris du Vendômois élevé par les vignerons de ce côté-ci de la vallée du Loir. Et avec le Jasnières, vous ne tenteriez pas le coup, des fois ? Longue vie au Petit Trôo !
Hervé Vaupuy
En chiffres
Environ 500 000 Petits Trôo demi-sec produits chaque année avec 1,2 million de litres de lait. La Laiterie de Montoire (coopérative jusqu’en 1991, puis SARL) fête ses 70 ans cette année.
