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Le Voyage de Tours de Ronsard (1555)

Les quatorze vers généralement cités s’insèrent dans un long poème reliant le Vendômois à la Touraine. C’est un plaisir de marcher avec Ronsard et Baïf !

Les universitaires extérieurs se demandent à voix haute si ce « voyage » a réellement existé où s’il est imaginaire. Mais les Vendômois ou Tourangeaux que nous sommes, pas un instant ! Les lieux cités par le poète natif de la Possonnière sont dans le bon ordre sur le chemin de Tours et les temps de parcours tout à fait plausibles. Mieux : on peut s’amuser à suivre les pas des deux amis en randonnant, sans doute forcé à quelques détours pour éviter l’asphalte.

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Edition ancienne du Voyage de Tours

L’histoire est d’amour et son déroulement théâtral. Douze vers précèdent le passage le plus connu, dans lesquels Ronsard évoque «les papillons, les blondes avettes [abeilles] qui errent par les jardins, et les petits oiseaux voletant par les bois […]» C’est le printemps ! Et d’introduire le sujet :

Thoinet [Jean-Antoine de Baïf] au mois d’avril passant par Vendômois
Me mena voir à Tours Marion [Marie] que j’aimois
Qui aux nopces était d’une sienne cousine
Et ce Thoinet aussi allait voir sa Francine.
Nous sommes en 1555, Ronsard a 30 ans et tente un nouvel amour ! Il veut revoir cette Marie de Bourgueil qui lui a tapé dans l’œil une première fois. Cette partie géographique du «voyage» lui sert à planter le décor, à l’instaurer quasiment en voyage sentimental et de compagnonnage. Ainsi, partis de Couture, traverse-t-on avec eux la forêt de Gâtines, Marray, Beaumont-la-Ronce (où le déjeuner chez Philippe de Ronsard se prolonge fort tard), Langennerie puis, le lendemain arrive-t-on en vue de Saint-Côme – aujourd’hui à La Riche.
Nous partismes tous deux du hameau de Coustures,
Nous passasmes Gastine et ses hautes verdures,
Nous passasmes Marré, et vismes à mi- jour
Du pasteur Phelippot s’eslever la grand tour,
Qui de Beaumont la Ronse honore le village,
Comme un Pin fait honneur aux arbres d’un bocage.
Ce pasteur qu’on nommoit Phelippot, tout gaillard,
Chez luy nous festoya jusques au soir bien tard.
De là vinsmes coucher au gué de Lengenrie ;
Sous les saules plantez le long d’une prairie:
Puis dés le poinct du jour redoublant le marcher,
Nous vismes en un bois s’eslever le clocher
De sainct Cosme prés Tours, où la nopce gentille
Dans un pré se faisoit au beau milieu de l’Isle.

L’ensemble du poème vaut le détour. Les deux amoureux tacitement éconduits se fendent tour à tour d’une longue plainte poétique sous la plume de Ronsard qui, ici, se fait appeler Perrot (pour Pierre). Thoinet ira jusqu’à consulter une voyante de Crotelles, près de Poitiers pour savoir s’il serait un jour aimé de Francine ; Perrot se verrait bien changer en onde de la Loir sur laquelle s’embarquent Marion et sa mère, « en la forme de l’eau qui cette barque emmène / J’irai tout alentour, et mon amoureuse eau / Baiserait or sa main, ore sa bouche franche / La suivant jusqu’au port de La Chapelle-Blanche » – aujourd’hui La Chapelle-sur-Loire.

Il est prêt à la suivre jusqu’à Bourgueil, ce qui ne l’empêche pas de supplier enfin : « Quitte-moi ton Anjou et viens en Vendômois […]. »

Marie n’est jamais venue. Et Ronsard a fini par écrire un jour son fameux Sonnet sur la mort de Marie, officiellement pour la Marie de Clèves d’Henri III disparue trop tôt, officieusement pour « sa » Marie de Bourgueil !

Mais c’est une autre histoire.

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