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Lorsque la duchesse de Berry, à son tour, passait par Vendôme

Après le très bref passage de la duchesse d’Angoulême dans notre bonne ville de Vendôme, le mercredi 16 août 1815(1), c’était au tour de la duchesse de Berry de s’y arrêter, le 17 juin 1828, avec cette fois, l’intention de prendre un peu de temps pour visiter trois des nos monuments les plus emblématiques. Un événement seulement signalé par Raoul de Saint Venant dans son dictionnaire du Vendômois, mais, localement, encore jamais décrit. Voyons de quoi il retourne.

 

Mais qui était la duchesse de Berry ?

Marie-Caroline-Ferdinante-Louise de Bourbon naquit à Caserte (en Campanie, Italie) le 5 novembre 1798. Elle était la fille de François 1er de Bourbon (1777-1830), prince héritier, puis roi des Deux-Siciles et de Marie-Clémentine (1777-1801), princesse royale de Hongrie et de Bohème, archiduchesse d’Autriche, et eut pour frère cadet Ferdinand-François d’Assise décédé à 12 mois. En revanche, par son remariage en 1802, son père lui donnera, cette fois, douze demi-frères et sœurs.

 

L’enfance de Marie-Caroline se passa entre Palerme, Naples et la Sicile, au rythme des invasions des États royaux de sa famille par l’armée française.
À 18 ans, le 17 juin 1816, elle épousait Charles-Ferdinand d’Artois, fils de France, titré duc de Berry. Né à Versailles le 24 janvier 1778, ce dernier était le fils cadet du futur roi Charles X (1824-1830). Après de brillants états de service dans la cavalerie et après avoir vécu en exil en Écosse et en Angleterre et de retour en France en 1814 lorsque les Bourbons (avec Louis XVIII) revinrent au pouvoir, le duc de Berry connut le plus tragique des destins. Le 14 février 1820, en effet, Charles-Ferdinand était assassiné en sortant de l’Opéra de Paris par l’ouvrier sellier Louvel. Un assassinat aux répercussions quasi immédiates qui mit fin à la politique d’apaisement préconisée par Louis XVIII et son ministre Decazes qui dut démissionner, redonnant ainsi une grande influence aux Ultras, mouvement conduit par le futur Charles X.

 

Le duc et la duchesse de Berry eurent quatre enfants : les deux premiers, Louise-Isabelle et Louis ne survécurent respectivement qu’un jour et quelques heures. La troisième, Louise-Marie-Thérèse (1819-1864) devait épouser en 1845 Don Carlo, Infant d’Espagne, puis duc de Parme. Et enfin, Henri de Bourbon d’Artois, titré par la suite duc de Bordeaux, puis comte de Chambord. Né le 29 septembre 1820, soit sept mois après l’assassinat de son père, il fut surnommé « l’enfant du miracle ».

 

Et à partir de 1828, Marie-Caroline fut appelée Son Altesse Royale, Madame, duchesse de Berry.

 

Un voyage « médiatique »

Justement, en 1828, de toute la famille royale, seule la duchesse de Berry continuait d’être bien vue des Français, voire populaire. Charles X, ayant succédé en 1824 à Louis XVIII, l’était, quant à lui, beaucoup moins. Aussi, les provinces de l’Ouest étant restées les plus fidèles au roi (dont Bordeaux, comme déjà du temps de la duchesse d’Angoulême en 1815), Marie-Caroline entreprit-elle, cette même année, un vrai voyage de propagande avec pour but de maintenir la ferveur monarchique. Parti de l’Île de France, elle visita successivement la vallée de la Loire de Blois jusqu’à Nantes, une partie de la Bretagne (en passant par Vannes, Sainte-Anne d’Auray et Rennes), pour, enfin, se diriger sur Bordeaux et rejoindre le Béarn.

 

Les premières étapes de ce voyage, après Rambouillet et Chartres, la conduisirent ainsi en Loir-et-Cher : Vendôme, Blois, Ménars, Avaray, Chambord, avant de filer sur Tours, Langeais, Saumur, Angers, Nantes… Chacune de ses haltes étant ponctuées par une foule énorme d’accueil, un bal huppé donné, bien sûr, en son honneur et une visite des principaux monuments des villes traversées.

 

Le 16 juin 1828, donc, Son Altesse Royale, Madame la duchesse de Berry, partit de Paris accompagnée de Madame la duchesse de Reggio (Marie-Charlotte Oudinot, dame d’honneur), de Madame la marquise de Podenas (née Athénaïs de Nadaillac, dame de compagnie), de Monsieur le comte de Mesnard (Louis-Charles-Bonaventure-Pierre, militaire et homme politique), ici son premier écuyer, chevalier des ordres du roi, et de Monsieur le comte de Verdal, officier des gardes. Son Altesse Royale dîna et coucha au château de Rambouillet.

 

Et le chroniqueur d’Ajouter : Madame allait voir un pays où tout avait été perdu fors l’honneur ; c’était bien commencer son pèlerinage que de passer par cette résidence favorite du roi chevalier, de ce François 1er, plus fort que le malheur.

 

Le lendemain (17 juin), S.A.R. arriva à Chartres, à sept heures du matin. On savait que l’illustre voyageuse ne ferait que changer de chevaux ; mais le désir de voir la jeune mère (30 ans) du duc de Bordeaux (futur comte de Chambord, 8 ans), avait attiré un grand concours du peuple à l’hôtel de la Poste ; les autorités civiles et militaires y étaient réunies ; deux escadrons du quatrième régiment se trouvaient en bataille sur la place des Épars.

 

Et toujours selon le chroniqueur : Madame qui sait si bien apprécier tout ce qu’il y a de beau, avait antérieurement visité la magnifique cathédrale ; l’année dernière (1827), en se rendant chez Madame la baronne de Montmorency, elle l’avait admirée dans tous ses détails. Personne n’explore aussi bien que S.A.R. ; elle voit tout, et prend des notes sur tout ; ses crayons lui gardent aussi des souvenirs…De jolis croquis des lieux les plus pittoresques et des ruines les plus célèbres.

 

L’illustre voyageuse ne passa que quelques instants à Chartres.

 

duchesse de Berry

Son passage à Vendôme

De cette visite, nous en connaissons l’essentiel mais l’emploi du temps de la duchesse de Berry reste pour le moins serré. Car si nous ignorons l’heure exacte de son arrivée ce même 17 juin (1828) à Vendôme venant de Chartres, nous savons pertinemment qu’à 16 heures 30, elle était déjà à Blois.

 

À Vendôme, après un déjeuner dans le jardin de M Josse (de) Boisbercy, elle alla visiter un monument funèbre des Bourbon-Vendôme qui a été restauré dans l’église du collège ; l’ancienne abbaye bénédictine (de la Trinité) où allaient prier les ancêtres de Henri IV ; et enfin les ruines du château qui appartint jadis au Béarnais (Henri IV) et fit partie de l’apanage de Monsieur (en 1871), depuis Louis XVIII.

 

Et le chroniqueur de conclure : En voyant tant de grâce accompagner tant de bienveillance, en recueillant chaque regard, chaque parole de la mère de l’autre Henri (allusion ici à son fils Henri V, duc de Bordeaux par rapport à Henri IV, duc de Vendôme, fils de Jeanne d’Albret), les Vendômois s’écriaient : c’est notre Jeanne d’Albret retrouvée ; les habitants de Vendôme ne se trompaient pas et leur cri a été souvent répété.

 

Puis, Madame arriva à Blois le 17, quatre heures et demie du soir, et est descendue à l’hôtel de la préfecture où elle a été reçue par Madame la comtesse de Saint-Luc (épouse du préfet) et M de Pétigni (Pétigny) ; des fleurs des guirlandes, des jeunes filles portant des branches de lis, ornaient l’entrée de son palais…

Pour plus de détails

En épousant, en 1816, Charles Ferdinand d’Artois, fils cadet de Charles X, fils de France, titré duc de Berry, Marie-Caroline allait prendre, comme nous l’avons vu, le titre de duchesse de Berry et par alliance devenait de ce fait la belle-sœur de Marie-Thérèse-Charlotte, la duchesse d’Angoulême, précédemment étudiée(1) qui avait épousé Louis, en 1799, fils aîné de Charles X, chef de la maison de France.

 

Élie Decazes, homme d’État était né en 1780 à Saint-Martin-de-Laye, près de Libourne et décéda en 1860. D’abord juge au tribunal de la Seine, puis conseiller à la Cour impériale, il fut successivement sous Louis XVIII qui ne faisait rien sans le consulter, ministre de la police, ministre, président du Conseil, ambassadeur à Londres, et prit bientôt le titre de comte puis de duc. Sous Charles X, il devint membre de la chambre des Pairs. Puis, sous Louis-Philippe, après s’être rallié à la monarchie de juillet de 1834 à 1838, il finit grand-référendaire à la chambre des Pairs. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il fît ses études au collège de Vendôme ; entré en 1790, il en sortit le 22 août 1798 ; son nom figure d’ailleurs sur le palmarès de 1798, remportant les prix de mathématiques et de physique ; mais le futur orateur politique, au regard de son impressionnante carrière politique, n’obtint jamais la moindre nomination en éloquence ni en lettres.

 

Henri-Charles-Ferdinand… d’Artois, 4e enfant de la duchesse de Berry, fut le dernier représentant de la branche aînée des Bourbons (rois de France). Connu sous les noms de duc de Bordeaux, comte de Chambord (château reçu en cadeau à sa naissance) et Henri V, son grand-père Charles X et son fils aîné le duc d’Angoulême voulurent abdiquer en sa faveur, mais ce fut Louis-Philippe d’Orléans qui devint roi des Français. Passant plus de cinquante ans en exil, il devait mourir à Frohsdorf (Autriche) en 1883. Mais ce que beaucoup ignore, c’est que Henri V, dans la lignée des Bourbons, après le rattachement définitif du duché de Vendôme à la couronne de France en 1724, en passant par Louis XV (titré, entre autres, duc de Vendôme de 1725 à 1771), Louis XVIII (de 1771 à 1824) et Charles X (de 1824 à 1830), fut également titré duc de Vendôme de 1830 à 1883.

 

Lors de son passage à Vendôme, la duchesse de Berry descendit également chez Josse (de) Boisbercy, tout comme sa belle-sœur, la duchesse d’Angoulême, treize ans plus tôt, en 1815. On peut donc penser qu’elle déjeuna, elle aussi, dans le jardin de leur hôtel particulier, aujourd’hui disparu, à l’emplacement du 12, faubourg Chartrain. À la seule différence toutefois, c’est qu’en 1815 Josse (de) Boisbercy était maire de la ville, alors qu’en 1828, nous le retrouvons sous-préfet de Vendôme de 1824 à 1830.

 

Le monument funèbre des Bourbon-Vendôme que la duchesse de Berry s’empressa de visiter dans la chapelle Saint-Jacques n’était autre que le nouveau cénotaphe en marbre élevé à la mémoire de César, duc de Vendôme et d’Alexandre (son frère), grand prieur, bienfaiteurs du collège et inauguré le 2 octobre 1826 en la présence de M Mareschal, maire, Mareschal-Duplessis, directeur du dit collège…, remplaçant la pyramide funéraire(2) saccagée le 22 mai 1793. Monument aujourd’hui visible et, hélas ! non protégé, sur l’emplacement de l’ancienne collégiale du château de Vendôme (voir illustration).

 

Quant à la clameur enthousiaste des Vendômois assimilant la duchesse de Berry à Jeanne d’Albret, certes, toutes deux mères attentives et sans doute possessives, la comparaison semble, de la part du chroniqueur, quelque peu audacieuse. Lorsque l’on connaît les rapports de la duchesse de Vendôme Jeanne d’Albret (1548-1572), huguenote convaincue, avec ses habitants (majoritairement catholique), on peut être surpris de cet accueil, même au XIXe siècle.
En 1830, la duchesse de Berry quitta la France pour la Grande-Bretagne accompagnée son fils Henri, sous le titre de comtesse de Rosny, nom du château (dans les Yvelines) acheté par son défunt époux, puis rallia l’Italie. Remariée secrètement en 1831, elle eut une fille Rosalie décédée à 6 mois. En 1832, elle tenta, en vain, de soulever les régions de l’ouest et du midi contre Louis-Philippe.

 

Elle mourut le 16 avril 1870 en son château de Brunnsee, en Autriche.

Note (1) : Le Petit Vendômois, n° 351, septembre 2018, Quand la duchesse d’Angoulême s’arrêta à Vendôme.
Note (2) : Le Petit Vendômois, n° 344, janvier 2018, L’heureuse puis tragique destinée du cœur de César, duc de Vendôme.

 

 

Références bibliographiques :
P. Van Kerrebrouck, La maison de Bourbon, volume IV, Villeneuve d’Ascq, 1987.
Suite aux « Lettres vendéennes » ou relation du voyage de S.A.R. Madame la duchesse de Berry, (BNF), Gallica, Google.
Au cœur des révolutions, Marie-Caroline, duchesse de Berry (1798-1870), exposition organisée par le Conseil général de Loir-et-Cher, Mars-Mai 2013.
Recherches et étude personnelles.

 

Iconographie :
Stèle d’Alexandre de Vendôme (collection particulière).

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