Le magicien d’art abstrait… travaille et vit dans des grottes troglodytes
Seba Lallemand n’a pas froid aux yeux. Et si, quand on le rencontre, on pense que cet homme-là serait des plus réservés, alors détrompez-vous, tout est concentré dans son souffle créatif. Et s’il vous arrivait de le voir travailler lors d’un «work shop», très tendance de nos jours, vous n’en croiriez pas vos yeux, vous en auriez le souffle coupé.
Devant lui, trois ou quatre grandes feuilles de papier glacé blanc, presque effet miroir, assez denses, posées à même le sol de la cave atelier. A côté, des bacs de plastique remplis d’encre et posés un peu partout, pas du tout rangés (c’est un atelier d’artiste…), des entonnoirs de vignerons en verre datant de la fin du XIXe siècle, de différentes tailles et qui autrefois appartenaient à son grand-père.
Seba trempe l’entonnoir dans ces énormes encriers puis délicatement, par son souffle, fait naître une bulle suspendue à l’entonnoir comme par magie. Il inspire, souffle à nouveau et la bulle reste accrochée. Alors tel un danseur, il se penche, tourne autour d’un point et couche doucement la bulle sur le papier. Alors, très vite il reprend de l’encre et un entonnoir -peut-être un plus petit- et à nouveau souffle. Et là, en se mouvant, presque couché sur la feuille, il compose l’œuvre. Il étire en posant la bulle comme s’il prenait un pinceau pour inscrire des petits arceaux. Un geste unique à chaque fois. Jusqu’à l’extrême réserve au fond des poumons. Assez impressionnant à voir.
Il travaille depuis plus de huit années cette technique si personnelle et créative. Le déclic, il l’a ressenti et eu lors d’une fièvre aiguë et vécue en 2009 à la Biennale de Tashkent en Ouzbékistan… Il rêve qu’il peint des bulles d’encre de Chine (il a vécu 6 ans à Hong Kong). L’idée, le projet le taraude à tel point que de retour en France dès 2009, sa petite recette «encre, savon, souffle» voit le jour dans l’ombre d’une cave troglodyte ! Au début il faisait ses dessins à partir de tirages de négatifs de photos. A ce jour les motifs évoluent avec ce nouveau procédé. Si au départ il dispose plusieurs feuilles, c’est uniquement pour pouvoir en sacrifier une ou deux sans regrets. Car les motifs bougent comme l’artiste !
Après cet incroyable travail qui doit sécher 24 heures viendra le temps du coloriage. Là on passe dans un deuxième atelier-cave, l’endroit même où il vit. Un lit au fond de la grotte, face à l’ouverture. Séba ne se sépare pas de son travail ; au sol une paire de baskets rouge vif fluo comme les feutres qu’il utilise. Près du lit des dizaines et des dizaines de toiles en attente ou retour d’expositions. Sur l’une des tables un bel inventaire de feutres et crayons de toutes les couleurs, quelques bombes de peinture. L’artiste voit dans la totalité. Puis au final, il va fixer le dessin avec du vernis : «Il se passe quelque chose d’organique». Ces dessins, on peut les voir dans les deux sens comme des cartes à jouer. Le côté ludique s’affiche par l’apport de couleurs fluo, un peu comme dans le registre des tagueurs.
Affaire à suivre : un commissaire d’exposition serait intéressé par la magie de cet homme. Réalité invisible qui devient visible ? L’oeuvre d’art n’étant que la trame de la communication entre l’artiste avec le monde…
En savoir plus :
Seba Lallemand http://www.eyesmile.net
Texte : Catherine Taralon
Photos : Marc Broussard