Où est passé le portrait de Cassandre ?
Quand je pense qu’avec un peu de chance, nous aurions en main le portrait de Cassandre, l’inspiratrice de la fameuse «ode à la rose» ! Il y a bien ces deux gravures jumelles du poète et de sa muse la plus célèbre : elles figurent en frontispice de l’édition du Premier livre des amours et sont dressées à la mode antique, de profil qui plus est… Gravures souvent reprises ou imitées et qui ont le mérite de nous montrer un Ronsard jeune comme sa Cassandre en vis-à-vis.
Car pour le reste, c’est la face du poète sur son lit de mort que les bustes ont reproduit ici et là, une image de l’homme dans sa 61ᵉ année. Cassandre, elle, apprécie peut-être depuis les nimbes de l’au-delà qu’on ne puisse connaître son image «bien vieille / Le soir à la chandelle» !
Revenons à ce fameux portrait qui a du exister, pourtant. Ronsard supplie joliment son ami Denisot – «Toy qui est peintre et poëte» – de s’y coller depuis sa « Sarte voisine » (il vit au Mans, au bord de cette rivière qui donnera plus tard le nom à l’ancienne province du Haut-Maine) :
Mais, Ô Denizot, qui est-ce
Qui peindra les yeux traitis
De Cassandre ma Déesse,
Et ses blons cheveux tortis ?
Lequel d’entre vous sera-ce,
Qui pourroit bien colorer
La majesté de sa grace
Qui me force à l’adorer ?
Et, figurez-vous que l’artiste manceau finira par accéder à l’ardent désir de l’ami Pierre, lequel emporte sur sa poitrine ce petit portrait, jusque « dans le plus touffu d’un solitaire bois » et au « seul escart d’un plus secret ombrage » :
Là renversé dessus la terre dure,
Hors de mon sein je tire une peinture,
De tous mes maux le seul allègement,
Dont les beautez par Denisot encloses,
Me font sentir mille métamorfoses
Tout en un coup d’un regard seulement.
Brrr ! J’en frissonne d’émotion. Et je me dis que ce portrait, s’il était arrivé jusqu’à nous, rivaliserait sans doute avec celui d’une certaine Mona Lisa rapporté quelques décennies plus tôt au Clos-Lucé dans les malles de Léonard de Vinci pour son mécène et ami François 1er.