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Petits poissons deviendront grands !

De Roussart à Ronsard, le patronyme du poète a pris quelques libertés en moins
d’un siècle. Et la Possonnière aurait aussi pu prétendre s’appeler Poissonnière !

Ronsard, ça fait joli tout au bas d’un poème ou d’un billet écrit à Cassandre. Les sonorités sont belles, la décomposition du mot des plus emblématiques : rons. ard., phonétiquement et en abrégé «ronces ardentes». Cela ne vous rappelle pas le fameux buisson en flammes de l’Ancien testament ? Au père du poète, si ! Et c’était à dessein !

Ronsart T et Ronsard D

Né Ronsart avec un T et vraisemblablement sans particule, Loys fut fidèle à trois rois, rien moins : de Louis XII à François 1er. Marié l’année de la bataille de Marignan à Jehanne Chaudrier, de souche poitevine, il s’empressa de re-décorer à la mode italienne la façade de la Possonnière et de faire bâtir la superbe cheminée de la salle principale donnant sur la cour d’honneur. Cheminée très parlante comme on dirait pour les assiettes à sentences et à rébus, à l’image des linteaux des portes et fenêtres qu’il a emplis de devises en français et latin, ainsi que les entrées de cave donnant sur la cour.

Ronces ardentes

Or, que voit-on sur le noble tuffeau de la cheminée monumentale de la Poss’ ? Trois petits poissons superposés et des ronces ardentes, précisément. Poissons rouges ? Non mais vous y êtes presque : des rosses ou rossettes (ross au XVIe siècle), petits gardons qu’on pêche toujours dans le Loir, sympathiques poissons à chair blanche dont les nageoires sont rouges ou roses ainsi que l’œil, d’où leur nom dérivé de « rousset » qui signifie roux en vieux français.

Car, avant d’être des Ronsard, les habitants de la Possonnière s’étaient appelés Roussart, peut-être à cause d’un ancêtre roux. Le premier ascendant avéré du poète au tout début du XVe siècle est un écuyer nommé Gervais Roussart, vassal du seigneur de Lavardin. Viendront ensuite André Roussart, grand-père d’Olivier, lui-même père de Loys…Ronsart, nous rappelle Bernard Hallopeau, propriétaire de la Poss’ jusqu’à l’orée du XXe siècle.

Rose de Pindare

Connaissant ses origines patronymiques, Loys Ronsart eut l’idée de mêler les deux sens de l’homonyme parfait ross qui signifiait aussi « roux » en vieux français. D’où les trois poissons du nouveau blason familial qui forment les armoiries « D’azur à trois ross d’argent » et qu’on retrouve sur la cheminée comme au portail de l’église de Couture. Eglise embellie et dotée d’un nouveau clocher par les Ronsard qui n’ont pas manqué de signer leur donation.

Ceci n’enlève rien, cependant, à l’origine du nom du manoir qui semble bien être dans le lieu où l’on mesure les récoltes à l’aide de possons ou poçons… Mais Poissonnière aurait été tout aussi légitime – n’est-ce pas ? – ce qui consolerait les cartographes engouffrés dans la nasse où le i les attendait.

Notre Pierre « de » Ronsard, bénéficiant de l’anoblissement de son père par François 1ᵉʳ, a donc débarqué au bon moment l’an de grâce 1524 pour pouvoir se choisir l’anagramme Rose de Pindare en référence au poète de l’antiquité. Mais aussi pour, à la fois, souhaiter initialement être inhumé « en cette isle verte » – à fleur d’eau poissonneuse, donc – et cultiver les roses de l’amour sur des ronces ardentes directement inspirées de la bible. Quels beaux symboles pour un amoureux de l’amour et, cependant, homme d‘église !

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