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Ronsard, écolo de la première heure !

Pour le voisin de la forêt de Gâtines, l’abattage de ses beaux arbres est un drame et suscite en lui la révolte. Celle-ci en fait le premier écolo connu de l’Histoire de France !

«Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras !»

Ce vers, nous le connaissons tous mais pas forcément son histoire ainsi que celle du long plaidoyer qui l’accompagne. Il est en fait le dix-neuvième d’une élégie qui en compte soixante-huit et qui commence ainsi :

Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couper, forest, d’une longue congnée,
Qu’il puisse s’enferrer de son propre baston […]

C’est violent, non, de souhaiter la mort du bûcheron par sa propre cognée ? Ronsard a la quarantaine bien sonnée quand il, écrit cela. Pour un peu, le ministre de l’Intérieur d’aujourd’hui le traiterait d’«éco-terroriste»  ! Mais, comme aujourd’hui les défenseurs de l’environnement, le poète d’hier a ses raisons. Sous ses yeux, on abat, on ébranche, on débite les superbes chênes, hêtres, châtaigniers de la forêt de son enfance, l’immense forêt de Gâtines «et ses hautes verdures» [Le Voyage de Tours] qui va de La Possonnière jusqu’aux terres de Marray en passant, bien sûr, par le grand étang qui existe encore.

De cette «Sainte Gastine, ô douce secrétaire» [Amours de Cassandre], Ronsard a fait son amie et confidente depuis l’enfance. Il y a rêvé, fait des siestes inspiratrices, croisé le chevreuil et le cerf, cueilli des plantes comestibles et herborisé : il est chez lui en somme, et surtout pas chez un certain Duc de Vendôme qui deviendra bientôt… Henri IV !

Vendôme vaut bien une coupe !

Il se trouve que ce propriétaire hors du commun a besoin d’argent. De beaucoup d’argent pour rembourser d’énormes dettes contractées par Jeanne d’Albret, sa petite maman, connue pour avoir laissé ses soldats protestants saccager l’ancienne collégiale Saint-Georges du château de Vendôme ! Et si, plus tard, Paris vaudra bien une messe, pour l’heure, renflouer les caisses du duché vaut bien une coupe rase…
Ronsard en est furieux et atterré. Il prend donc sa plume et «incendie» littéralement le jeune Henri de Navarre sans le nommer, affirmant qu’il mérite «feux, fers, morts et destresses» pour «tuer des Déesses», ces «Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce». Car les nymphes de Gâtines sont bien les muses du prince des poètes et l’on ne s’y attaque pas impunément.

Triste comme nous aujourd’hui dans un tel cas, il sait les dégâts environnementaux des coupes claires :

Plus du soleil d’esté ne rompra la lumière […]
Tout deviendra muet, Echo sera sans voix,
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois, […]
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue […]
Ceci est toujours d’actualité !

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