Vendôme, la belle histoire de ses places
Vendôme, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, a toujours possédé plusieurs « places publiques ». Quatre d’entre elles, dès leur origine, n’étaient que des carrefours de rues (places du Marché, Saint-Martin) ou l’élargissement de l’une de ces voies (places de la République, de la Poissonnerie).
Trois restèrent très longtemps des espaces restreints (places de la Madeleine, des Pâtis, du pont Chartrain). Lire également cet article.
Mais au XIXe siècle, trois autres places furent également créées (Saint-Denis, du Champ de Foire, du Château). C’est donc sur la création de ces trois derniers espaces publics (alors que Saint-Denis devait disparaître prématurément) que nous allons nous pencher dans ce troisième et dernier article.
Place Saint-Denis :
Cette ancienne place, de nos jours complètement oubliée, voire inconnue, occupait entièrement l’emprise de l’ancien Grand Cimetière du faubourg Chartrain compris alors entre les actuelles rues du Gripperay, Saint-Denis, du Cheval Rouge et le dit faubourg. Puis, pour des raisons d’hygiène, le cimetière fut transféré officiellement, le 19 novembre 1832 (et non en 1826 comme indiqué par erreur par R. de Saint Venant), au nord de la ville, dans la plaine, chemin de la Tuilerie et ouvert par arrêté municipal approuvé par le préfet le 1er novembre 1834.
Dans le projet d’aménagement de la future place, des ormeaux et acacias provenant du cimetière furent ainsi abattus et vendus en 1839, et pour occuper une partie du vaste espace laissé vacant, la construction d’écuries fut décidée en 1844. Sans doute terminées vers 1853, ces écuries (sans pouvoir toutefois les localiser très précisément) furent mises en location pour être bientôt occupées par les chevaux du quartier de cavalerie, le futur Quartier Rochambeau, baptisé ainsi en 1886.
Enfin, par voie délibérative, le 2 août 1858, tout l’espace proche maintenant des nouvelles écuries prit l’appellation de «Place Saint-Denis», du nom du quartier d’alors.
En 1875, pour agrémenter cette nouvelle place, des plantations furent décidées et deux ans plus tard on proposa d’y établir un marché aux chevaux qui devint si fréquenté qu’en mars 1881, la ville y établit un puits, un lieu d’aisance et une cabane pour abriter le gardien chargé de l’entretien des lieux.
Toujours en 1881, huit mois plus tard (en octobre), le choix de l’implantation d’un théâtre, au centre de la place, était arrêté. Les écuries occasionnant de nombreuses réparations à la charge de la ville furent peu à peu abandonnées et arasées, tandis que le marché aux chevaux était, lui, reporté au nouveau Champ de Foire.
En mai 1891, en remplacement des écuries, les élus projetèrent la construction de deux groupes scolaires (Saint-Denis) qui seront inaugurés le 14 juillet 1892 ; le théâtre municipal le sera le 16 juin 1894.
Ainsi, moins de cinquante ans après sa création, la place Saint-Denis disparaissait à jamais.
Place du Champ de Foire :
Il fallut, cette fois, attendre 1836 pour voir s’établir ce nouveau Champ de Foire de l’Islette. Par décision municipale, sur un terrain qui lui appartenait depuis peu, la municipalité allait donc créer de toute pièce un emplacement susceptible de regrouper l’ensemble des marchés aux animaux disséminés jusqu’alors aux quatre coins de la ville.
Auparavant, le bras primitif de la rivière Saint-Denis qui traversait en diagonale ce terrain (entre le pont de l’Islette et la passerelle Jean Monnet) était comblé sur une longueur de 120 m environ. Le petit bras de dérivation se prolongeant vers le déversoir du « Dos d’Âne » de la porte d’Eau et l’étroit fossé longeant l’ancienne muraille (jardin des Tilleuls) furent, quant à eux, re-calibrés en conséquence. C’était précisément cette petite île (Islette en vieux français) délimitée entre ces trois précédents cours d’eau qui avait donné le nom au quartier. L’espace ainsi récupéré fut remblayé sur une hauteur de deux mètres environ, car inondable.
Des peupliers furent plantés sur son pourtour ; des mains-courantes pour attacher les animaux, installées ; un large abreuvoir (toujours visible, au pied de la passerelle) fut aménagé. En 1843, un marché aux vaches et aux moutons s’y installa, chacun délimité par un enclos, rejoint plus tard par l’important marché aux chevaux, en plein expansion, transféré depuis la place Saint-Denis.
En 1897, l’espace fut de nouveau réaménagé, maintenant partagé en deux parties inégales ; deux rangées de barrières en bois, parallèles, délimitant une allée centrale, furent construites dans l’axe nord-sud, abritées par une rangée d’arbres, le marché n’occupant plus que la moitié orientale. L’autre moitié fut désormais réservée aux cirques, aux manèges et autres baraques ambulantes. Un mur d’appui au sommet en pierre, confortant la berge de la rivière, fut érigé.
Pour la petite histoire, la guillotine s’appropria du lieu à trois reprises : le 23 février 1845, en 1859 et le 26 mars 1862, les exécutions capitales étant publiques.
En 1913, le Champ de Foire devint officiellement la place de la Liberté (au détriment, nous le savons, de la «place du pont Chartrain»). Les peupliers furent arrachés et remplacés par des platanes le long des deux rues, par des tilleuls en bordure de Loir.
Mais, peu à peu les nombreuses et grandes foires avec attractions populaires allaient l’emporter sur les marchés aux bestiaux. Le 1er janvier 1927, le conseil municipal décidait, à l’unanimité, d’y faire stationner les automobiles (encore peu nombreuses), le vendredi, pour le marché, ou seulement les jours de grande affluence.
Durant la Seconde Guerre mondiale (1943/44), la place fut entièrement close par des fils de fer barbelés, sur une bonne hauteur, les troncs des arbres disposés sur le pourtour servant de pieux ; d’énormes quantités de bois de chauffage, denrée rare pour l’époque, y étaient entreposées par la ville.
À partir des années 1960, son sol en terre battue fut goudronné et transformé en un immense parking gratuit (ce qu’il est toujours). Les grands cirques de passage désertèrent peu à peu la place. La bascule municipale et sa maisonnette attenante, déjà présente au début du XXe siècle, furent supprimées en décembre 1974 pour établir la première « gare routière »…Nous connaissons la suite.
Place du Château :
Cette place n’est, en fait, là aussi, que le carrefour agrandi de la rue Saint-Bienheuré et de la rue Ferme. En 1912, un membre éminent de la Société archéologique proposait l’appellation : «place Saint-Bié», selon lui plus adaptée.
Nous étions ici dans l’ancienne paroisse Saint-Bienheuré.
À l’origine, le pied du promontoire devait s’avancer, plus ou moins, jusqu’au tracé actuel de la rue, en dehors de la porte d’Amont (22, rue Ferme) fermant à l’est l’ancienne basse-cour du château. Toute cette partie boisée du coteau, jusqu’à la Chappe, s’appelait alors la Garenne du château.
En 1559, à l’appui du mur joignant le pied de la tour d’angle dite des «Quatre vents» à cette porte d’Amont, Jeanne d’Albret y construisit un premier prêche (ou temple protestant) qui fut d’ailleurs fermé de 1581 à 1589, puis supprimé (mais le bâtiment non détruit) en 1618 par son petit-fils paternel, le duc César de Vendôme.
À partir de 1620, le dit César établissait la rampe du château, une rampe qui se terminait alors en pente douce jusque vers le début de la rue du faubourg Saint-Bienheuré, preuve que cette nouvelle voie d’accès au château épousait bien le relief du flanc nord du promontoire.
Le bâtiment désaffecté du prêche qui semble donc avoir subsisté servira, à partir de 1760 et durant une bonne partie du XIXe siècle, de manège aux régiments de cavalerie de passage. Ce même bâtiment devait ensuite servir de «magasin» à la ville, puis de corps de garde aux Mobiles. En octobre et novembre 1870 et en février 1871, il servit encore de lieu de réunion (notamment durant une période électorale) avant d’être définitivement détruit en 1879.
Auparavant, vers 1820, la base de la rampe du château fut raccourcie et remplacée par un escalier qui prendra son aspect actuel en 1890 suite à un réaménagement complet de la rampe toute entière, alors pavée, avec trottoirs et caniveaux.
Cette place prend donc l’aspect que nous lui connaissons, après bien des remaniements et destructions, en 1879, pour accueillir officiellement le Marché aux porcs plus communément appelé localement le «Marché aux cochons .
Dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, un baraquement en planches se dressait sur l’actuel « parking » accolé à l’escalier ; il abritait l’atelier de serrurerie de M Leleu, sinistré en 1940. Son aménagement en «parc automobiles» semble remonter aux années 1960.
De nos jours, elle n’a, de sa notion de place, que sa dénomination.
Références bibliographiques :
Archives départementales, communales, Fonds ancien de la bibliothèque des Territoires Vendômois –
Recherches et étude, dossiers personnels.
Références iconographiques :
Collection particulière : Place du Champ de Foire – Place du Château.