Claude Bordet, Orfèvre: itinéraire d’un enfant de Vendée
Du Marais poitevin aux grandes maisons parisiennes, Claude Bordet a fini par poser ses poinçons à Vendôme. Portrait ciselé d’un orfèvre en la matière.
«Je n’étais pas bon à l’école, j’y allais avec le mal de ventre», confesse le diplômé de l’École d’orfèvrerie de Paris.
Originaire de Vendée, où il passe son temps libre dans le Marais poitevin à taquiner le goujon avec son grand-père, « un taiseux », il déboule dans les Yvelines à l’âge de 7 ans. Le père est ingénieur à Rhône-Poulenc, polytechnicien et féru de dessin industriel. Le petit Claude, lui, est passionné de maquettes et de trains électriques.
A 8 ans déjà, il s’émerveille pour la mécanique horlogère et l’artisanat. Occupant ses après-midis dans l’atelier d’un proche de la famille, un maître-horloger qui lui confie quelques menus travaux. Fasciné par l’exercice, le gamin s’en acquitte avec brio et précision, et le maître encourage l’élève à persévérer.
A 13 ans, après l’obtention de son BEPC, il se présente aux concours de l’école d’horlogerie de Besançon et à celui de la célèbre BJO de la rue du Louvre, à Paris. Il sera reçu aux deux. Le choix du roi. Petit Claude a de l’or dans les mains et il en fera son argent. Ciseler, débosseler, façonner, souder, remonter, polisser, incruster, insculper… des nouveaux vocables, des mots qu’il n’a pas tous appris à l’école publique.
Guerlain et Nadine de Rothschild
A l’issue de sa formation à l’école de la BJO, il intègre les plus grandes maisons de la place de Paris. D’abord Hénin, aujourd’hui disparue, ensuite Peter, symbole de la qualité et du raffinement dans la coutellerie d’art. Il y reste vingt ans et inscrit son nom dans le microcosme de la profession.
Guerlain, Nadine de Rothschild figurent entre autres au registre de ses clients. Après deux décennies de bons et loyaux services, le tumulte de la vie parisienne et l‘appétence de l’artisan-pêcheur pour les milieux halieutiques, transmise par le grand-père, le pousse à voir ailleurs.
Ça sera Vendôme. Parce qu’il y a des attaches, de la famille, et aussi pour les rivières et les nombreux plans d’eau qui fleurissent dans la région. Après quelques années de navette entre la capitale et le Vendômois, il tranche, quitte la maison Peter et ouvre son propre atelier, Coltel, du latin «coltellus», qui signifie couteau.
Dans l’ombre de la place Vendôme
L’homme œuvre d’abord en sous mains pour les grandes maisons de Paris, certaines de la place Vendôme… Elles se déplacent jusqu’à son atelier pour récupérer les créations du maître d’art, sur lesquelles elles n’auront plus qu’à apposer leur marque et ajouter quelques zéros en pied de facture. Un lien que Claude Bordet coupera très vite. Oscillant entre création et restauration,
il se tourne alors vers une clientèle de particuliers.
En 2000, il crée sa propre ligne de couverts, fait insculper et enregistrer son poinçon de maître-orfèvre auprès du bureau de Paris. Les clients affluent, du Val-de-Loire, de Paris et même du midi de la France.
Mais, au-delà de la création, en proie aux réminiscences de l’enfance passée aux côtés de son maître-horloger, c’est la restauration qui demeure motrice de son ouvrage : «Le doigté, sentir les matériaux, je peux passer quarante heures à la restauration d’une cafetière. Mon bonheur, c’est la lumière dans les yeux du propriétaire à la remise de l’objet». Avec en fer de lance la restauration horlogère de pièces précieuses des XVIIIe et XIXe siècles.
A 58 ans, Claude Bordet conserve sur son travail l’innocence et la magie de son enfance. Plus sombre sur l’époque, les hommes, la politique… le maître-artisan se ressource dans les sensations que lui procure le canevas de la matière, acier, amourette, bois de cerf poli, malachite, turquoise, or et argent. Des matériaux nobles, à l’image de son ouvrage.
CRH
Coltel, Claude Bordet, orfèvre, 22, rue de la Sablière à Vendôme.
Tél. : 06 30 98 31 77
www.coltel.fr