Instants gourmands entre nature et architecture XIXe siècle
On quitte La Ville-aux-Clercs et, immédiatement sur la droite, il faut emprunter une petite route boisée. On aperçoit sur la gauche un étang, des bois et une coupure se fait. Nous sommes entourés de nature… 80 ha. Pour la petite histoire, au XIXe siècle, en 1863, le vicomte de la Rochefoucauld fit bâtir le château de la Gaudinière dont à ce jour il ne reste rien… ou presque.
Bien dommage pour les amoureux du patrimoine mais bienvenue à certains marchands qui se sont plu à vendre par lots ce qui représentait le savoir-faire architectural de l’époque. A la Ville-aux-Clercs, cette splendeur, au milieu des bois, fut à la fois le rendez-vous de fêtes somptueuses et de chasses absolument grandioses dont on disait : «D’ailleurs à Paris, on ne fait pas mieux.» Et comme toujours à cette époque, on construit le château, les dépendances… et comme on y vient pour chasser, il faut bâtir un relais de chasse éloigné du domaine comme il se doit.
A quelques galops donc, le Manoir de la Forêt fut construit, laissé à l’abandon puis transformé en 1960 en hôtel-restaurant. Ce lieu, riche en atmosphère, à la décoration immuable, a séduit dès la première visite, en 98 l’actuelle maîtresse des lieux, Maryse Redon, qui, avec son mari Guy, tous deux dans le métier, devaient changer de vie, de travail, avaient grand besoin de calme.
Au revoir Bruxelles et bonjour la campagne du Loir-et-Cher. Ce couple qui vit plutôt dans l’attention, s’entoure d’un Chef car la jolie cuisine doit être prise en mains. «Chacun son job» souligne Maryse et, depuis 2005, Arnaud Villedieu cuisinier, pâtissier, qui avait fait son apprentissage à cette même adresse, se voit de retour à la case départ mais là pour gérer sa cuisine. Il fait tout… oui vraiment tout ou presque. Feuilletage, le pain, brioches, les pâtes, pâte à choux… pâte à tout… rien ne l’arrête. Confitures, glaces, même le pralin du Paris-Brest est fait maison. « On doit savourer le fond de l’assiette». Faire ce que l’on aime, la culture, l’ouverture d’esprit, tout s’apprend, «Il faut avoir de la curiosité… Partir sur des techniques et les emmener sur quelque chose d’actuel… Pour moi, un vrai cuisinier, c’est quelqu’un qui part des bas morceaux et en fait quelque chose d’intéressant».
Chaque semaine, il remet tout en question. Les menus doivent coller aux saisons et en priorité les produits locaux. Caille farcie aux girolles, génoise aux champignons, petites billes de pommes de terre cuites avec jus de caille et du beurre (mais oui le beurre est dans la vraie et bonne cuisine n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par du léger…).
A cette adresse on est dans le registre cuisine-cuisinier
L’atmosphère hors du temps, autant pour la déco qui n’a pas bougé d’un millimètre… tapis, tentures, fauteuils, luminaires, tout est dans son jus. Prendre du temps, savourer, dialoguer avec Maryse et Guy, puis se balader dans les bois… l’espace est vaste, la saison s’y prête.
Pour info, le chef prépare son menu de fêtes. Quelques petits copeaux de fois gras, (ainsi coupé, ils ne seront que plus savoureux… à tester…). Fin de la petite histoire, voici un aperçu des menus qui en disent beaucoup… donc le chef fait et le client se laisse séduire. Juste pour aller plus loin, Riz de veau, Côte de bœuf, jambon et côtelette de porcelet rôtis et jus laqué, croustillant de pintade au bouillon parfumé de petites légumes… Profiteroles, bavarois… sorbets…
Photos : Marc Broussard
Le Manoir de la Forêt,
Fort Girard, La Ville-aux-Clercs,
02 54 80 62 83