Regard posé en VendômoisÉconomie et société

Disparition de Sue, marquise de Brantes

Le 18 avril une grande dame s’est éteinte à Montoire. Sue, marquise de Brantes, est morte ce lundi-là au 24 de la place Clemenceau où elle s’était installée, il y a près de huit ans, après le décès de Paul son époux.

Contrainte alors à quitter Authon et le Fresne, un village dont son mari fut longtemps maire et une maison qu’elle partagea avec lui plus de 40 ans, elle avait su y recréer un havre chaleureux et familier où recevoir ses amis, aidée par Fabienne son ange gardien. Il y a peu de temps encore, les plus matinaux des Montoiriens pouvaient l’apercevoir promenant Uxmal son fidèle «working cocker» à travers les rues du centre-ville.

Sue, Suzanne de son prénom, est née à New-York dans une famille aisée. Sa mère est mélomane «sensible et très cultivée», son père est médecin et grand humaniste. Ils donnent à la jeune fille la meilleure éducation possible. Elle apprend la musique qui devient une passion, la danse et les bonnes manières, visite les musées, étudie à Vassar en même temps que Jackie Bouvier future Kennedy, fréquente les rejetons Vanderbilt, Rockfeller etc… Cette première de classe aurait pu se satisfaire d’une vie riche et oisive mais Sue avait des ambitions professionnelles et voulait devenir «quelqu’un».

«Si j’étais compétitive, disait-elle, ce n’est pas seulement pour faire plaisir à mes parents mais aussi en grandissant pour justifier les honneurs et les privilèges dont je bénéficiais».

Parce qu’elle écrit bien et aisément, elle cherche à devenir journaliste, tient plusieurs rubriques dans différents journaux ce qui l’amène à rencontrer les vedettes d’Hollywood et plus généralement le monde du show-biz de l’époque (elle avait plein d’anecdotes sur Sinatra et Elisabeth Taylor à raconter à ceux qui s’y intéressaient).

Mais Sue, pas plus emballée que ça par «l’american way of life», avait la passion des voyages «la bougeotte» dirait-on maintenant. Il lui faut à tout prix connaître l’Europe, la France, Paris. Elle y débarque en novembre 1952 avec peu d’effets, sa machine à écrire et ses 78 tours préférés. Elle devient pigiste pour le Herald Tribune, interviewe TS Eliott, Clementine Churchill et autres notoriétés d’alors. Sue se fait peu à peu connaître et respecter dans le monde de la presse et de la radio. Elle anime des tribunes, devient productrice, habite tour à tour Londres et Rome après Paris.

C’est à Paris lors d’une réception qu’en octobre 1962 elle rencontre Paul de Brantes. C’est comme elle le raconte «un vrai coup de foudre». Ils repartent ensemble ce soir-là et ne se quitteront plus. L’année suivante, mariés, ils viennent habiter le Fresne à Authon. Cette citadine a tout à apprendre de la campagne et de ses habitants. Elle s’y investit totalement «avec bonheur et force volonté», relève ce nouveau défi et fait de sa vie au Fresne sa nouvelle raison d’être en même temps qu’elle y prend soin de ses deux enfants Roger et Flore. Aidée de son époux elle y remplit de multiples fonctions, recevant énormément les amis de passage, les musiciens en mal de gîte, les artistes de toutes conditions et les familiers qui pouvaient arriver à l’improviste, la table étant toujours dressée. Cette femme de tête et de cœur s’intéresse à tout et tous, les chevaux, les courses d’attelages, les ventes de Cheverny qu’elle a initiées avec ses amis Rouillac, et aussi les fêtes votives, celles de l’école d’Authon, les cérémonies locales et familiales. A la fin de sa vie, Sue aimait évoquer cette période magique aux côtés de son mari à Authon quand ils fréquentaient indifféremment petits et grands de ce monde, les recevant avec la même chaleur, la même curiosité,

«Le Fresne, Authon étaient la terre de mes racines…même bouturées» a-t-elle joliment écrit à ses proches.

L’un de ses derniers grands bonheurs a été de recevoir en avril 2012 la Légion d’Honneur des mains de son «beau-frère préféré» comme elle avait coutume de l’appeler Valéry Giscard d’Estaing.

Anne Braillon

Le Petit Vendômois

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