Pierrick Bourgault, étonnant voyageur des bistrots…
Cet amoureux des petits cafés, lieux de convivialité en voie de disparition, en a fait un beau livre où le bord du Loir sarthois est très présent. Souvenirs et belles images.
Dans sa besace d’écrivain-voyageur, il conserve précieusement des souvenirs émus et encore vifs des comptoirs où il s’est accoudé, de figures humaines que n’aurait pas reniées Balzac. Demandez-lui Francis qui creusait sa cave à la pioche entre deux verres avec les clients, il a : c’était à Ruillé-sur-Loir jusque dans les années 2010. Rappelez-lui la guinguette du petit Robinson qui faisait tourner les têtes à La Chartre-sur-le-Loir (route de Tréhet) : ses yeux pétillent, il extirpe la photo d’un superbe dos féminin en lisière de la piste de danse. Et Jupilles, accroché à la grande forêt… Où il a si bien connu Le Bercé, amical rival du Saint-Jacques, avec son patron surnommé «Le Gaulois». «Une taverne de bûcherons, gardes et braconniers, cueilleurs de champignons et ramasseurs de glands.» écrit-il dans son livre !
Car Pierrick Bourgault a fait un bouquin de ses souvenirs et de ses archives photo des bistrots sur une quarantaine d’années. Né en Mayenne, tout gosse déjà, il était tombé dans ce petit théâtre des hommes. «Mon grand-père ne m’emmenait pas au café : il y vivait et c’était la maison voisine de la nôtre.» explique-t-il en matière d’introduction. Il confesse qu’il finissait des verres en cachette dans les années 1960, revoit les pêcheurs à la ligne ou commis de ferme à la table unique. «Ils s’amusaient à nous faire rire de leurs histoires et de leurs chansons. Un vrai spectacle dans la fumée de l’Amsterdamer, cette marque aux sonorités étrangères qui suggérait des saveurs lointaines. Car le bistrot est un voyage.»
Jusqu’à Saint-Calais
Un voyage qui l’a donc conduit dans tout l’ouest de la France jusque dans les îles bretonnes ou dans la baie de Saint-Brieuc, mais majoritairement tout de même en Mayenne et en Sarthe, sur ses terres. La vallée du Loir semble être, ici pour Pierrick, un fil de vie, suivi avec délice d’un bar à l’autre, toujours pour faire des rencontres et saisir des instants.
A Saint-Calais, de même, il se souvient du «snack-bar» d’Yvonne dont il dut forcer la porte avec les pompiers parce qu’un jour, elle ne répondait plus. «Elle tient son café comme ces vieux lions, ces rois et ces comédiens qui restent sur scène, face au public, tentant d’arrêter le temps.» a-t-il écrit sur cette patronne presque aveugle d’une institution calaisienne aujourd’hui fermée. A Cerelles, au nord de Tours, il s’intéresse au bistrot nouveau multi-services Le P’tit Saint-Pierre et à ses tenancières si dévouées à leurs clients.
Tout l’ouvrage de Pierrick Bourgault est de cette trempe : fin, sensible, sensuel. Sur les bistrots ou le vin convivial, il n’en est pas à sa première vendange car il écrit depuis trente ans. De quoi le faire adopter dans toute la vallée du Loir !
Voyage dans les bistrots de l’ouest, 190 pages,
éditions Ouest France, 15,90 € en librairie.
Site de Pierrick Bourgault : www.monbar.net
Hervé Vaupuy