«Du sang sur le cachemire» ou du rififi politique entre Paris et Sologne
Christian Goemaere part à la chasse aux élus avec un calibre à 40.000 euros !
«C’est un métier difficile que je découvre, humblement, entre deux voyages. Il y a beaucoup de livres, en tous genres, et il convient de percer. J’ai choisi le roman policier et le livre envoyé au prix des Orfèvres 2014 m’a, de suite, encouragé. Mon ouvrage a fait partie des six ouvrages retenus sur les 84 reçus. Une rencontre avec Gérard Boutet m’a dirigé vers les éditions Marivole de Romorantin-Lanthenay qui ont accepté d’éditer «Du sang sur le cachemire», roman policier qui sera suivi d’autres histoires, je pense, dans la même maison».
Dans son cadre familial, chez lui, à Pontlevoy, Christian Goemaere, pur solognot d’origine par sa mère et son père tous deux de Romorantin-Lanthenay, même s’il y a des origines flamandes du côté du père, Roger, est né à Montrichard en 1949. Il évoque son œuvre «de pure fiction dans laquelle il ne voulait, ni sang, ni sexe, ni ambiance glauque» en précisant bien qu’il n’aurait pas pu être flic «un métier trop exigeant et difficile», ni écrivain professionnel, car il faut être très «armé» pour produire un bon roman.
«J’aime bien sentir le poids du stylo, «Un Dupont», libérer l’encre bleue sur la feuille blanche. Je relis, rature, rectifie et passe à la frappe tapuscrite, seul, car il n’y a que moi à pouvoir interpréter mes notes, mon épouse, pourtant graphologue, ayant abandonné depuis longtemps. Je ne garde rien en archives. Tout part alors à la poubelle».
Pour les fans de romans policiers habitués à évoluer, au fil des pages, dans des univers sombres, hyper glauques, avec de l’hémoglobine et des larmes, rien de tout ça avec «Du sang sur le cachemire». On y promène, tout de même, le lecteur dans la haute catégorie du panier social. On y trouve des armes de chasse à 40.000 euros/pièce, calibre (type africain, donc pour très gros gibier) 300 WM, bien loin du deux canons, basique et rustique, de nos campagnes, à La Manufrance, made in Saint-Étienne (France) ; une Aston Martin et une Bentley en voitures, presque de tous les jours, et on y boit, avec modération, du triple Lagavulin de 16 ans d’âge…
Tour à tour, l’auteur qui connaît parfaitement le monde politique et municipal, puisqu’il a été bercé dans le premier durant toute son enfance, et bien plus que son adolescence, son père ayant été député, maire et président de conseil général, puis, directement, dans le second en ayant été conseiller municipal, puis maire de Pontlevoy «pour deux mandats comme je m’y étais engagé, même si j’étais un maire SDF (samedis, dimanches et jours fériés) comme je l’avais annoncé, de suite, à cause des mes fonctions civiles» émaille son récit de précisions locales. Se méfiant des journalistes qualifiés tout de même de «chiens» comme le lança François Mitterrand aux obsèques de Pierre Bérégovoy, le héros s’en sert un peu pour faire évoluer son dossier.
Quelques notes précises quant à la chasse nous ramènent en Sologne, avec la fondation de François et Jacqueline Sommer (Maison de la Chasse et de la Nature et Chambord), mais aussi avec le refus de voir les parcs naturels être entourés de grillages et clôtures, comme le défendent bon nombre d’indigènes et d’autochtones. Un clin d’œil à la politique avec l’évocation de prochaines élections sénatoriales ; un hommage à la police qui travaille 24 heures sur 24, malgré des voitures poussives ; un psychanalyste prénommé Charles-Antoine (de Cheverny ?) ; la complicité du chauffeur «Fangio», à son service depuis 30 ans, avec le chef de l’exécutif départemental qui lui demande d’être surtout DIPRE (discret ; impeccable «car vous êtes, aussi, mon image de marque» ; ponctuel ; rapide, et empressé) et même observateur ; un peu d’argot avec le mot baveux pour avocat ; une parfaite connaissance du fonctionnement des cabinets ministériels, des municipalités, des collectivités et des huiles locales, même si Paul Masson, l’ancien préfet de région Centre et sénateur du Loiret se nomme Mason ou le rédac’chef de La République du Centre, Jumeau, au lieu de Rameau, prouvent que Christian Goemaere évolue en terrain connu, avec précision. Tapie et Papon apparaissent rapidement dans un passage à La Santé (anagramme de Sénat…) et le festival de musique classique de Pontlevoy a droit à son hommage.
Même s’il s’en défend, la fiction n’est pas complète dans ce roman de Christian Goemaere, car comment expliquer ce passage qui décrit le président du Conseil général, André Tanguy, comme «jeune encarté au PCF, embauché comme secrétaire assistant du groupe communiste à l’Assemblée nationale…»? Troublante carte de visite ressemblant à celle d’un élu de Loir-et-Cher tout de même ? Christian Goemaere, qui avoue, sans menace, ne pas être chasseur, semble savoir bien viser tout, comme quand il évoque l’achat possible d’une voiture de fonction présidentielle à 80.000 euros, ce qui ressemble, aussi, étrangement à une mini-tornade qui avait secoué feu l’ancien conseil général, l’an dernier. Derrière ses lunettes, les yeux souriants, Christian répond «Fiction». N’empêche, ça frictionne dur et ça tire sec et raide, sans connaître le prix des balles de la fameuse carabine à 40.000 euros! Quitte à mourir, autant le faire dans la soie ou/et le cachemire… Avec classe ou en première classe !
Richard Mulsans