Paradoxe énergétique

Le dernier rapport de l’Agence International de l’Energie (AIE) donne de l’espoir avec, en 2024, une consommation de pétrole qui ne représente, pour la première fois en 50 ans, que 30% de la consommation mondiale d’énergie. Désormais, dans ce même rapport, le nucléaire et les énergies renouvelables dépassent 40% du total, ce qui pourrait nous réjouir. Cependant, ni la consommation de charbon ou de pétrole ni les émissions de gaz à effet de serre ne baissent avec, même pour cette année 2024, le record en matière de demande d’énergie !
Un paradoxe qu’avait démontré l’économiste William Stanley Jevons au XIXe siècle qui, chiffres à l’appui par rapport au charbon, avait constaté que les progrès technologiques augmentant l’efficacité avec laquelle une ressource est utilisée, notamment l’énergie, ne se traduisent pas forcément par une diminution de sa consommation, au contraire même ! Il avait remarqué que la consommation anglaise de charbon augmentait après l’invention de la machine à vapeur et que l’économie d’énergie réalisée grâce à ce nouveau système était mise à mal par la généralisation de cette machine. C’est ce qu’il a appelé l’effet rebond, qui se produit lorsqu’une amélioration de l’efficacité énergétique conduit à une augmentation de la consommation d’énergie, plutôt qu’à une réduction.
Cette théorie, qui a été remise au goût du jour lors de la crise du pétrole dans les années 70, est encore d’actualité, notamment dans les usages du numérique et l’arrivée de l’Intelligence artificielle. La question de l’effet rebond a été largement étudiée et l’on en distingue plusieurs sortes ; effets directs à l’exemple du charbon quand l’efficacité énergétique des machines fait chuter son prix, mais va en augmenter la consommation totale ; ou effets indirects lorsque votre facture énergétique baisse et qu’avec l’argent économisé vous allez consommer plus, en prenant par exemple l’avion pour vos prochaines vacances.
On se retrouve dans une boucle infernale où chaque progrès, chaque avancée technologique va effacer les bienfaits de ces systèmes qui pourtant sont plus efficaces. Pouvons-nous demain avoir une consommation réelle d’énergie moindre avec les pompes à chaleur ou autres véhicules électriques ? Une question qui n’a pas de réponses techniques mais plutôt une réponse idéologique ou sociétale car plusieurs choix s’offrent à nous comme profiter de toutes ces avancées pour rester au même confort qu’aujourd’hui, éliminer le gaspillage ainsi que les activités superflues ou bien redistribuer les ressources équitablement pour offrir à tous les mêmes services en gardant la consommation actuelle.
L’efficacité des technologies actuelles n’est pas une mauvaise chose en soi, il nous faut profiter de tous ces progrès que nous développons, mais pour les bonnes raisons. Nous pouvons nous poser simplement la question philosophique du cycle perpétuel des nouvelles technologies, la remise en cause de l’économie globale, de la croissance sans fin, en considérant les limites des ressources. Notre consommation entraîne obligatoirement des effets secondaires, outre les gaz à effet de serre, la pollution des eaux et des sols occasionnent la perte petit à petit de la biodiversité à l’heure où, en Amérique, Donald Trump s’enthousiasme à nouveau pour le pétrole.
