Andrès Bernat, un trop discret Monsieur Patrimoine

À la tête d’une épicerie « Aux produits d’Espagne» ouverte en 1902 par son grand-père arrivant des Baléares, à 79 ans printemps, Andrès Bernat, doyen des commerçants toujours en activité dans un magasin familial, est sans aucun doute la mémoire du commerce local.
Grand bavard devant l’éternel, doté d’une superbe mémoire, l’épicier à l’éternelle blouse bleu de travail, demeure intarissable quand il s’agit d’évoquer les magasins d’antan. Surtout ceux de son quartier de la rue du Change qu’il a vu se métamorphoser au fil des ans . «Et pas en mieux», affirme-t-il alors qu’après d’autres enseignes, les chaussures «Eram» et le «Ô Magasin d’à côté» viennent juste de baisser le rideau.
Des tonnes de souvenirs
«Dans le passé, la rue du Change comptait notamment trois bouchers, trois boulangers, deux charcutiers, un poissonnier, un garage avec pompe à essence ,Les Grandes galeries, le Petit Bazar, des magasins de vêtements pour toute la famille, l’armurerie Dubin toujours existante ouverte en 1907. Et pas moins de six épiceries dont les Docks de France, le Familistère, Les comptoirs modernes … Et même un hôtel « Le Grand cerf «avec une salle de bal à l’étage à la place de l’actuelle boutique de téléphonie Orange. Et tout le monde travaillait bien! Il y avait énormément de passages avec tous les ouvriers à vélo des ateliers du centre-ville entre ceux des Presses universitaires de France (PUF), des salariés des ganteries. Et les élèves du lycée Ronsard dans les locaux de la mairie actuelle. Malheureusement, la rue est devenue piétonne et, à partir de 1978, ça a été le début de la fin pour l’alimentaire!»
Andrès Bernat, qui n’a jamais voulu prendre la nationalité française en mémoire de son père, a lui trouvé la solution: continuer à proposer des spécialités qu’on ne trouve pas ailleurs, dans une boutique faisant partie du patrimoine car restée dans son jus. Le tout avec son éternel sourire et une bonhomie qui fait chaud au cœur.
Les clients comme les curieux ne s’y trompent pas. Y compris la ministre de la culture Rachida Dati qui, début août, adressait au septuagénaire espagnol ses compliments pour le maintien de son magasin centenaire en milieu rural. Une anecdote de plus pour le livre qu’Andrès prépare pour marquer ses 80 ans.
Elise Peps