Il faut arriver par la route qui relie Montlivault à Chambord et dès que vous franchissez l’entrée du domaine, tout au bout du bout de la route, juste en face, bien au centre, se dresse la silhouette du grand projet d’un Roi de France : François 1er qui voulait son château là, précisément, sur presque 6 000 hectares du plus grand parc forestier d’Europe.
Œuvre d’art unique au monde, grand trésor de la Renaissance, gigantesque délire dépassant Versailles avec ses 77 escaliers, 282 cheminées et ses 426 pièces. La seule œuvre architecturale du génie de la Renaissance, Léonard de Vinci.
Et, c’est en Val de Loire, à Chambord, que l’artiste Coréen Bae Bien-U, sans doute le plus grand photographe de son pays, est venu exposer.
L’arrivée sur le domaine est déjà un voyage. Le temps s’arrête. L’imaginaire se met en place et quelle place! Avant de laisser la voiture sur un parking, il faut tournicoter autour du point central et s’amuser à prendre toutes les directions uniquement pour satisfaire l’instinct de curiosité. Oui, c’est cela se prendre au jeu de ces grands artistes qui ont dessiné Chambord. C’est un régal en hiver, les arbres sans feuilles, la structure prend encore plus d’importance. Alors, après la contemplation, marchez le long du Cosson, la rivière au pied du château, examinez bien sur tous les angles ce grand phénomène d’architecture. Le temps ne compte pas, chaque détail mérite un zoom et, certainement, un questionnement. Tout n’est que folie, dentelles, pierre de tuffeau et gris d’ardoise. Empruntez le célèbre escalier à quatre volées, blanc comme neige, et, au deuxième étage : pause culturelle entre la Renaissance qui cerne les lieux et le travail d’un grand artiste photographe du XXIe siècle Bae Bien-U qui exprime ici, par une soixantaine de photographies dont quarante grands formats, son dialogue entre deux forêts : Les pins sacrés de Gyeongu de la péninsule coréenne, nécropole des anciens rois de Corée et le domaine de Chambord où l’artiste est venu une dizaine de fois en résidence durant les quatre saisons.
On découvre des troncs d’arbres aux écorces qui font penser à la peau de certains reptiles qui s’opposent à la légèreté d’une brume envahissante. Un accrochage baigné de lumière naturelle entre les caissons et pilastres immaculés de pierre de tuffeau. On se réfère à certains contes et légendes.
’approche du travail de ce photographe intrigue, les camaïeux de gris comme savent faire les artistes coréens jusqu’à la quasi disparition de la forme et de l’aspect dans les noirs et les blancs.
Il ne faut pas oublier d’aller dans une pièce, où sur un mur de 25 m2 les photos des deux sites, Chambord et la forêt de Pins Coréenne doucement défilent avec parfois uniquement le bruit des gouttes de pluie et le gazouilli des oiseaux au printemps. Troublant d’émotion, grand savoir-faire. Quand on s’attarde devant une photo où la brume s’échappe du Cosson on n’a qu’une envie, s’enrouler dans un châle et de ne plus bouger! Petit bémol que les photos ne soient pas légendées.
Bae Bien-U – D’une Forêt à l’autre. Exposition jusqu’au 12 juin 2016, Domaine de Chambord.
Accessible avec billet d’entrée au Château.
Reportage Catherine Taralon / photos Marc Broussard
