Le cœur sur les rails, la tête dans les nuages
A 82 printemps, Albert Varingot a construit un scooter, un bateau et même son avion. Avec lequel il a écumé le ciel de France. Musicien, père de dix enfants, cet ancien ingénieur à la SNCF a tout d’un personnage de roman. Pourtant, il existe bel et bien. Rencontre du troisième type.
Hangar 217. Rouge et blanc, le «Varingot» immatriculé 41HP déploie ses ailes sur l’aérodrome du Breuil. Un ultra-léger motorisé de 600 cm3, capable de voler pendant quatre heures jusqu’à 5000 mètres d’altitude. Aux commandes, Albert Varingot, son constructeur, un personnage de roman, sorte de Géo Trouvetout tout droit sorti d’un manuscrit de Jules Verne. Du haut de son 1,80 m, alerte et l’œil pétillant, le bonhomme a fêté ses 82 ans le 21 avril, et pas de hasard à cette appétence pour la construction de véhicules de toute nature. Chez lui, ça pétarade, ça flotte et ça vole.
Tout commence en Picardie, sa terre natale, où, dès 18 ans, il se met en tête de fabriquer son propre deux-roues. Un deux-temps de 150 cm3, au moteur Monet-Goyon et à boite de vitesse séparée. Une affaire qui roule. A l’époque, après quelques années d’apprentissage à la SNCF, il est ouvrier qualifié. Pour améliorer l’ordinaire, fort de ses années de conservatoire à Saint-Quentin, il joue de son saxo alto, un Selmer, dans les orchestres de la région, du jazz, de la musique de chambre, dans les bals ou les dancings.
Vingt-mille lieues sur les mers
Mais, passionné par l’électricité, l’électromécanique et la radio-transmission, le petit Varingot va rapidement gravir les échelons au sein de la SNCF. D’abord à 23 ans, quand il devient dessinateur industriel, avant d’entamer à la quarantaine une brillante carrière de cadre en qualité d’ingénieur dirigeant d’un bureau d’études.
En 1972, après l’obtention de son permis mer-rivière, germe l’idée folle de dessiner et de fabriquer son bateau. Un projet concrétisé six années plus tard, après cinq ans de labeur et une grosse inondation qui lui vaudra trois ans de rénovation, le diesel de 15 chevaux pour 700 cm3 sera mis à l’eau dans la Sarthe. Bâptisé «Saxo», capable d’accueillir quatre personnes à son bord, il naviguera sur la Saône, le Rhône, le canal du Midi…
De la Terre à la Lune
Arrive la retraite. Au début des années 90, Albert quitte les rails et la terre ferme pour un autre horizon. A 57 ans, le ciel lui tend les bras, et un rêve lui revient en mémoire. Celui qu’il faisait sans cesse quand il avait 10 ans, en pleine Seconde Guerre mondiale : devenir aviateur. Sur les bases d’un plan de Criquet léger, surnommé «le pou du ciel», il entreprend la construction de son «Varingot». Trois années de casse-tête pour un puzzle céleste qui l’amènera à entreposer certaines parties de l’avion dans une chambre de sa maison, dont il faudra ouvrir les fenêtres pour accueillir les ailes de 3,90 mètres.
Trois années plus tard, la «bête» est prête à s’envoler. A 60 ans, le retraité passe sa licence de pilote. L’aviateur-bourlingueur entame alors des périples au dessus de l’Hexagone, survolant sa Picardie, la Manche ou les châteaux de la Loire. Les vents le portent un jour sur le tarmac du Breuil, où il se pose à la fin des années 1990 pour rendre visite à des cousins blésois. Il n’en repartira jamais. Albert s’installe naturellement dans un village aux abords de l’aérodrome pour profiter au mieux de son avion. Et même s’il a cédé il y a quelque temps son «Varingot» à un ami de Mazangé, Roland Debroux, un autre passionné, son élan débridé pour les engins à moteur ne faiblit pas. Scooter, bateau, avion, moto, 4X4, caravanes, camping-car avec voiturette… il est aujourd’hui en attente de la réception d’un quad, commandé tout récemment. Pour un tour du monde en quatre-vingts jours ?