Littérature : « Mamie fait de la résistance …»
Jean-Claude Renard a œuvré plusieurs années au Centre régional du livre de Vendôme, à l’époque quartier Rochambeau. Couvert aussi à maintes reprises les Promenades photographiques pour la presse nationale.
Le journaliste-écrivain revient avec un troisième roman, qui donne à voir le quotidien bousculé d’une grand-mère fantasque et attachante. De la belle ouvrage.
Quand Guy Bedos, qui répondait à une de ses interviews, lui demande, mi-curieux-mi-amusé : «C’est drôle, vous, vous n’êtes pas comme les autres journalistes.» La réponse, mi-laconique mi-ironique, de Jean-Claude Renard fuse comme un pet de nonne sur une toile cirée : «C’est peut-être parce que je ne le suis pas…» Et pourtant, depuis deux décennies, le bonhomme peut se targuer de plusieurs centaines d’articles rédigés pour le compte de la presse nationale. Culture, médias, gastronomie, société… il enquille avec délectation les feuillets, les rencontres, les interviews, les portraits, les coups de cœur et les coups de gueule. Chroniquant avec jubilation spectacles, émissions de télé, de radio, essais, documentaires et expositions. Et si le nœud gordien de l’affaire se révélait dans son appétence à se jouer des mots, à jongler avec la syntaxe et les adverbes, qu’il inverse, doublonne, triture et multiplie à l’envi ?
De Robert Doisneau à l’Italie
Pas de hasard s’il a débuté son sacerdoce journalistique au Centre régional du livre, dans les années 2000, à Vendôme, du côté de Rochambeau, après une thèse sur «les figures maternelles dans le roman célinien». Une influence revendiquée aux côtés de celles de Pierre Desproges et de Thomas Bernhard. Rien de moins. Un journaliste pas comme les autres. Aux aguets, en éveil, comptable de son temps qu’il évalue à la minute près. Bousculé parfois tard le soir par les SMS de Christiane Taubira après leur rencontre au ministère de la Justice. Un entretien politique mené place Vendôme qui a viré à un inventaire à la Prévert des auteurs que ces deux-là avaient en commun. A l’identique de ses interviews avec Henri Cartier-Bresson, Paul Pavlowitch ou Yolande Moreau.
“Une madeleine de Proust”
Gîte, paleron, macreuse, gras-double et quinquina, l’écriture, vive et ciselée, se nourrit de mots choisis, parfois oubliés, eux aussi, et qui percutent l’esprit et l’estomac du lecteur.
Viandard du vocable, à la tendreté masquée sous le piment de l’humour, Jean-Claude Renard signe ici sans doute son roman le plus abouti, pêle-mêlant drôlerie, bienveillance et sociologie dans la cassolette cuivrée de l’amour et de la filiation.
Si je sors je me perds, Jean-Claude Renard,
éd. L’Iconoclaste, 190 p., 15 euros (janvier 2018).