Agriculture: les mésanges bleues, mes collègues de boulot
Daniel Odeau, de la Confédération paysanne, a organisé une rencontre entre des agriculteurs et le paysan précurseur Gérard Boinon. Il s’agissait de mettre en lumière dans le Vendômois les bienfaits de l’ agroécologique, application de l’écologie à l’agriculture.
Gérard Boinon, du réseau «Rés’ OGM», chargé d’encourager les différentes alternatives, défend bec et ongles cette façon différente de travailler la terre. Le paysan, aujourd’hui à la retraite, parcourt la France et l’étranger pour éclairer de sa connaissance les agriculteurs, et partager son expérience. «En trois ans, j’ai totalement supprimé les produits phytosanitaires de ma terre, sans perte de rendement», explique-t-il. En 1984, il fut victime d’un œdème de Quincke, suivi d’une longue liste de pathologies qui le handicapent encore aujourd’hui, provoqué par la manipulation de pesticides chimiques.
Agir et non subir. Sa décision est prise, il va d’abord s’informer par lui-même, sans faire confiance aux grands groupes chimiques et surtout apprendre à protéger sa santé. «Les pesticides sont décriés par les consommateurs, et ils ont raison, mais les premières victimes sont les paysans». La conclusion s’impose d’elle-même : Il est indispensable de changer sa façon d’aborder son rôle dans la chaîne alimentaire. «Je ne suis pas un exploitant agricole, Je n’exploite pas la terre, je vis avec elle, j’en fais partie, je suis un paysan » martèle Gérard Boinon. Auteur, participant ou conseiller de plusieurs films, il a présenté ce soir-là un documentaire «Les Semences du futur», d’Honorine Périno. Le film traite de la création de nouvelles semences pour faire face au changement climatique et de la nécessité de mettre un terme aux produits chimiques dans les champs. Des semences qui ne doivent rien aux grands semenciers internationaux, ceux qui verrouillent les circuits de production dans le monde entier, qui d’une façon ou d’une autre empêchent les paysans de garder leur indépendance sur la façon de se fournir en matière première : la graine. «Elles évoluent en permanence en fonction de la terre, de la façon de travailler et du climat, c’est ce qui en fait sa richesse et sa force». En utilisant les semences paysannes, c’est-à-dire celles que nos anciens utilisaient depuis l’origine de l’agriculture et en employant des méthodes de cultures agroécologiques, on développe une production au service de l’humain et non à celui de l’industrie chimique et de la bourse. C’est là qu’interviennent différentes possibilités, si l’on ose franchir le pas et remettre en question sa façon de travailler avec la terre. «Deux à trois couples de mésanges bleues par hectare, très implantées dans nos champs et nos haies, suffisent à elles seules à éviter des quantités astronomiques d’insecticides. Elles ingèrent chacune 12 500 insectes par jour. Associé à un labour à fleur de terre pour ne pas déstabiliser l’équilibre de la terre et tout le travail des micro-organismes qui s’y développe, on obtient des résultats étonnants» explique-t-il avec passion. Le bénéfice est largement égal aux dépenses des apports d’engrais, on arrive à une culture plus respectueuse, économique et en adéquation totale avec la terre nourricière. Le paysan, infatigable, travaille l’ONU à l’élaboration des «Droits des paysans» et particulièrement sur le droit d’utiliser, d’échanger et de développer les semences naturelles.
Gil de Lesparda