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Juin 1940 à Vendôme vu par Jean Rousselot

Salué comme «une chronique de la douleur humaine» par Max Jacob, L’Engrenage évoque l’exode vu de l’intérieur de Vendôme par le jeune commissaire de police qu’était alors Jean Rousselot.

On sent que c’est du vécu ! Avant d’être le fondateur avec René-Guy Cadou de la fameuse Ecole de Rochefort en poésie, Jean Rousselot fut un policier fraîchement sorti du concours de commissaire, nommé en 1938 à Vendôme. C’est là qu’il vit venir l’ennemi et, devant lui, l’immense population de l’exode de juin 1940, à quelques jours des terribles bombardements de la ville qui firent 89 morts civils.

Dans L’Engrenage, roman bref qui donne son nom à un recueil de nouvelles, le flic raconte avec un grand réalisme ce que c’est qu’une ville des environs de la Loire aux prises avec cette invasion brutale. Par coquetterie, sans doute, il renomme sa ville Lancôme (du nom du village plus au sud) et transforme le maire de l’époque – Duverger – en Lejardin.

Les bombes de juin

porte st georges bombardement 1
Le faubourg Saint Lubin et la Porte Saint-Georges à Vendôme suite aux bombardements

Mais on ne s’y trompe pas si l’on sait lire entre les lignes : « Lejardin existait «en vrai», parfaitement accordé […] à Lancôme, à ses ruelles aux relents de cave, à son écheveau de bras d’eau inextricablement noués autour, à travers et sous les squares et les maisons […] » Si l’hôtel des Tilleuls (aujourd’hui Ehpad) est bien cité, la rue des Béguines y est devenue celle «du Béguinag» et Vendôme «cette petite ville de Touraine, plantée d’ormeaux et de poètes en bronze».

Quant au bombardement qu’il date du 10 au lieu du 15 juin, il le présente ainsi : « un vrombissement multiple, énorme, emplit le ciel, ébranle les crânes ; de grands ombres coiffent la rue ensoleillée […] des vitres éclatées pleuvent sur les gens qui courent. Puis dix, vingt explosions énormes secouent la ville. Des gerbes de pierres jaillissent des chaussées éventrées […] » Bombes qui feront que les «rues du centre ne sont plus que des chemins étroits, plâtreux, qui serpentent entre des entassements de moellons et de poutres.»

Résistant de la première heure

En 84 pages, Rousselot réussit le tour de force de planter le décor d’une charmante ville de province tenue par les autorités de gérer l’afflux brutal de milliers de réfugiés venus du nord, puis muselée à son tour par l’occupant. Les fonctionnaires en place – dont notre commissaire – hésitent encore à choisir leur camp, n’étant pas sûr encore de ce qui sera le mieux pour la suite. « Le temps travaille pour nous… Il faut faire comme le roseau : plier pour n’être pas rompu » lui dit le nouveau sous-préfet pétainiste à la fin de l’été.

On sait que Rousselot a très vite sauvé des vies, depuis Vendôme puis d’Orléans où il fut nommé en 1942, ce qui lui permit de rencontrer Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire (il fut aussi l’ami de Paul Eluard). Il rejoignit la France libre en février 1943 et devint le Capitaine Jean au sein du réseau Cohors-Asturies.

L’Engrenage, roman suivi de 5 nouvelles, éditions France Empire / 1976

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