Actualités

Lettres et caractères pour passion

Bernard Jiquel nous a quittés fin avril. Fasciné par l’imprimerie dès son plus jeune âge lorsqu’il découvre ce métier avec un vieil oncle breton qui lui propose de le rejoindre dans son établissement à Paris, Bernard Jiquel occupera tout au long de sa carrière des postes divers. Typographe de formation, il deviendra directeur de l’imprimerie des Presses Universitaires de France (PUF) à Vendôme pendant 16 ans puis président de son conseil d’administration.

Passionné des livres et des lettres, passionnant collectionneur et fin connaisseur du monde de l’impression, Bernard Jiquel n’a jamais vraiment déserté l’imprimerie où avec sa vieille Kors allemande, imprimante à bras, il créa au fond de son jardin un petit atelier, « L’Orangerie du Mail », où il aimait travailler avec sa collection impressionnante de caractères d’affiches qu’il sublimait en œuvres d’art uniques.

En 2021, dans les colonnes du Petit Vendômois, sur deux numéros, Bernard Jiquel nous avait détaillé plus de 50 ans de présence à Vendôme des PUF, toute l’histoire vendômoise de cette prestigieuse imprimerie avant le rapatriement de ses services à Paris et la destruction emblématique des bâtiments à l’entrée de la ville. Bernard Jiquel impressionnait par sa prestance et ses connaissances, véritable historien de l’imprimerie qui éditait, entre autres, la collection « Que Sais-Je ? ». Après son diplôme de compositeur-typographique obtenu à l’Ecole Estienne à Paris, et deux années aux Arts et Métiers, ce Versaillais d’origine part pour son service militaire pendant 18 mois en Nouvelle-Calédonie où il exerce plusieurs métiers. Il hésite à rentrer en France avec la possibilité de travailler en tant que typographe au sein d’une imprimerie d’un journal calédonien. Sur le trajet du retour, 50 jours de voyage à bord d’un bâtiment de la Marine, Bernard Jiquel reçoit un télégramme au Panama de sa mère qui lui précise qu’il est recruté par les PUF dès son débarquement, une imprimerie qu’il ne quittera plus pendant 34 ans. De nombreuses anecdotes toujours à son actif, intarissable, il affectionnait les raconter comme ce passage éphémère de la Reine Elisabeth II à Vendôme qui, à sa descente du TGV, s’est vue offrir un ouvrage d’art autour d’un poème de Ronsard, ouvrage imprimé spécialement par les PUF, sur l’idée et sur la composition de Bernard Jiquel. Cet ouvrage précieux se trouve à la bibliothèque royale de Buckingham Palace.

A sa retraite, Bernard Jiquel entame une carrière de conciliateur de justice, « le facilitateur du vivre ensemble » comme il aimait le dire. Auxiliaire de justice assermenté et bénévole, il avait la responsabilité du secteur de Montoire-sur-le-Loir et Savigny-sur-Braye pour des litiges et règlements à l’amiable de la vie quotidienne, la conciliation restant un moyen simple, rapide et gratuit de venir à bout d’un conflit en obtenant un accord amiable sans procès. Psychologue, sachant écouter sans jugement avec beaucoup d’humilité, Bernard Jiquel contribuait par cette fonction de conciliateur à ce que les gens trouvent par eux-mêmes les solutions à leur conflit. Il appréciait ce rôle utile pour la société.

Mais c’est dans sa petite imprimerie «L’Orangerie du Mail», au fond du jardin familial, que Bernard Jiquel aimait se retrouver, au milieu de ses casses, dans cet espace devenu même trop exigu où s’entassaient plus de 40 000 caractères en bois collectionnés pendant des années. Dans une autre dépendance, il y emmagasinait également tout un stock de papiers aux grammages différents et de qualité supérieure. Les lettres et vignettes devenant alors des œuvres d’art sous sa composition, cherchant toujours que graphiquement, elles s’assemblent parfaitement jouant avec les blancs qu’il disposait dans ce carré magique de la presse. Souvent poète dans ses compositions grâce aux placements des caractères, certaines œuvres ont ce côté magique qui apparait après encrage, dû aux multiples passages sur la presse ou en multipliant les formes et les supports. La lettre est un signe qui, placé différemment, prend un autre sens, un assemblage architectural, un clin d’œil et des détournements avec un mix de couleurs dans des encres différentes. Comme il le précisait, le premier œil critique, c’était Martine, son épouse qu’il associait à ses créations, son avis comptait beaucoup. Depuis peu finalement, Bernard Jiquel exposait ses tirages, souvent uniques, comme lors de la 2e biennale de l’association Assemblage au Grand Manège au Quartier Rochambeau où, à sa grande surprise, il avait rencontré un vif succès et intérêt. Il avait participé également à la première du salon littéraire « A Mots Couverts » en 2024 où ses œuvres aux lettres sublimées, comme un juste équilibre des choses, avaient été exposées au milieu des écrivains, lui qui avait, pendant toute sa vie, imprimé leurs livres. Et comme ultime hommage, l’exposition prévue de longue date à Barbizon (77) lieu connu de nombreux artistes qu’il admirait, aura bien lieu du 8 octobre au 8 janvier.

 

Alexandre Fleury

Il est partout ! Assemblées générales, événements sportifs et culturels, reportages, interviews, portraits… à lui seul, il rédige la moitié des articles du journal. C’est la figure tutélaire de la rédaction et il répond toujours avec le sourire aux très nombreuses sollicitations. Une valeur sûre, qui écume le Vendômois par monts et par vaux et connaît le territoire par cœur.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page