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Le Maréchal de Rochambeau : Quand Paris inaugure également sa statue

Rochambeau-ParisAprès les inaugurations à Vendôme en  juin 1900 et à Washington en mai 1902, Paris, se devait bien  d’inaugurer à son tour une statue du grand Maréchal. Mais il fallut attendre un peu plus de trente ans pour réparer cet oubli. Alors que le général Washington et Lafayette y  possédaient déjà la leur, bientôt  rejoint  par celle de l’amiral de Grasse, notre brave et modeste Rochambeau restait ignoré des Parisiens. En novembre 1933, ce fut enfin chose faite.

Le projet

M. Martellière, alors conseiller municipal de Vendôme et président de la Société Amicale du Loir-et-Cher à Paris, en fut le principal artisan. Dans une lettre ouverte adressée au maire de la ville, lors du conseil municipal en date du 29 avril 1933, Édouard Martellière expliquait en détail son projet déjà pratiquement bouclé.

Un comité placé sous la présidence d’honneur de M Lebrun, Président de la République et composé d’éminentes personnalités politiques, diplomatiques et militaires, était ainsi déjà constitué. Il comprenait, entre autres : outre Monsieur le marquis de Rochambeau, MM Daladier, ministre de la Guerre, Joseph Paul-Boncour, ministre des Affaires étrangères, Camille Chautemps, ministre de l’Intérieur, le Maréchal Pétain ainsi que l’ambassadeur des États-Unis et Jules Cambon, l’ancien ambassadeur qui avait tant œuvré pour l’érection de la statue à Washington. Localement, MM Milliat, sous-préfet et Duverger maire de Vendôme, Rémy Fouquet, président des Anciens Élèves du Lycée Ronsard, le général Prételat (demeurant à Courtiras, château de l’Oratoire), Philippe Royau, président de la Mutuelle Vendômoise, fondateur du premier comité Rochambeau en 1899, représentaient la ville largement soutenus par M le Préfet, les sénateurs et députés de Loir-et-Cher. Les présidents du conseil municipal de Paris et du conseil général de la Seine ainsi que les préfets de ce même département et de police soutenaient également ce projet.

Le lieu même de l’érection de la future statue, également choisi, avait été favorablement accueilli par les Américains résidant à Paris

«qui discrètement savouraient le plaisir d’avoir pu enfin réunir dans ce même quartier de Paris leurs héros préférés».

Seules quelques subventions restaient à trouver, d’où cette intervention de M. Martellière auprès de ses confrères vendômois. L’Amicale Loir-et-Chérienne prenait d’ailleurs en mains la réalisation de toute l’opération soutenue avec enthousiasme par Paul-Boncour.

Après délibération, la ville ne pouvant faire moins pour l’enfant du pays, le conseil municipal votait à l’unanimité moins trois voix, une subvention de 500 francs. Martellière, ne pouvant être à la fois juge et partie, s’était en effet abstenu. Il fut accompagné dans cette décision par un de ses collègues estimant que le Maréchal ayant déjà son monument à Vendôme, il ne voyait pas la raison d’en avoir un autre à Paris, tout en précisant :

«si toutes les villes en faisaient autant, il n’y aurait plus assez de place dans la capitale pour les mettre». De son côté, le «Progrès du Loir-et-Cher», comme à son habitude, critiqua fermement le vote de cette subvention.

La cérémonie

L’inauguration eut lieu mardi 7 novembre 1933. La nouvelle statue en bronze, œuvre initiale du sculpteur Fernand Hamar reposant sur un socle(1) réalisé par André Grenouillot, architecte blésois, se dresse devant le musée Galliera, place de Chaillot(2), à l’angle des rues de Chaillot et Freycinet et de l’avenue Pierre Ier de Serbie. Elle est, rapporte le journal l’Illustration,

«la réplique presque exacte de celle qui le 4 juin 1900 fut inaugurée à Vendôme par l’ambassadeur Horace Porter…».

En présence des membres de la famille de Rochambeau, une forte assistance, parmi laquelle se remarquaient les notabilités de la colonie américaine, s’assembla dès 11 heures. Une compagnie et la musique du 21e d’Infanterie ainsi qu’un détachement de «l’Américan Légion» accueillirent ensuite le cortège officiel comprenant le comité de soutient au complet et un très grand nombre de personnalités parisiennes dont le préfet de la Seine et plusieurs conseillers municipaux de Paris. M Mariner, chargé d’Affaires, représentait l’ambassadeur des États-Unis alors absent de France aux côtés du général Pershing et du colonel Lahn, attaché militaire, lui-même accompagné du colonel Marsaud représentant le Président de la République également empêché… Le Loir-et-Cher avait dépêché, en plus de ses sénateurs et députés, MM Larroque, préfet, Yvonneau, conseiller à la mairie de Blois et l’abbé Royau représentant Monseigneur l’évêque Audollent. Le statuaire Hamar figurait en bonne place.

Selon le journal le Carillon, «… A ces troupes se joignirent bientôt les drapeaux de la Moskowa et Argonne ainsi que l’emblème du 18e  régiment d’Infanterie portant le nom de Yorktown offert par la colonie américaine de Paris… Puis les clairons sonnèrent au «drapeau» tandis que les pavillons français et américains furent hissés et que le voile recouvrant la statue était abaissé».

À l’issue de la cérémonie, l’Association des Filles de la Révolution américaine déposa, au pied du monument, une superbe couronne en souvenir du Maréchal précédant de peu les incontournables et longs discours. Au nombre de cinq, ils furent prononcés par M Martellière au nom du comité et par M Mariner au nom du président des États-Unis, Franklin Roosevelt ; Paul-Boncour lut ensuite l’élogieux message du président de la République française, Albert Lebrun ; MM de Fontenay et Fiquet, terminèrent au nom de la ville de Paris.

Dans l’après-midi, la famille de Rochambeau et le comité du monument furent reçus à l’Hôtel de Ville de Paris où ils signèrent le livre d’or, avant d’être les invités privilégiés d’une magnifique réception organisée dans le salon des Arcades. Au dessert, M le Marquis de Rochambeau remercia les membres du Comité et toutes les personnalités présentes du bel hommage rendu à son aïeul.
Après le lunch, chacun put apprécier dans le salon des Fêtes une exposition rétrospective se rapportant à «l’épopée française en Amérique» montée de toutes pièces et avec beaucoup d’érudition par Victor Bucaille à partir de tableaux, documents et souvenirs divers.

«Cette inauguration, devait conclure le Carillon, tout en resserrant les liens de l’amitié franco-américaine, a servi à rappeler aux  Américains que la France s’est rangée généreusement à leurs côtés pour leur indépendance».

Note (1) : Sur ce socle on peut lire :
De face : «A Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, maréchal de France, né et mort à Rochambeau, Loir-&-Cher, 1725-1807». (né bien sûr à Vendôme, Hôtel Rochambeau, rue Poterie).
Côté droit : «Commandant l’armée française à la prise de Yorktown, 19 octobre 1781, guerre de l’Indépendance américaine, 1775-1782».
À l’arrière : «Aux secours généreux de votre nation et à la bravoure de ses troupes doit être attribuée, dans un grand degré, cette indépendance pour laquelle nous avons combattu et qu’après un conflit sévère de plus de sept année, nous avons obtenue – Washington à Rochambeau, quartier général de Newburgh, 10 mai 1783».
Côté gauche : «Ce monument a été érigé par souscription franco-américaine, sous les auspices de la Société amicale du Loir-et-Cher à Paris».

Note (2) : Place qui prendra d’ailleurs, le 14 août 1934, le nom de place Jean-Baptiste Donation de Vimeur de Rochambeau.

Sources : Journal le Carillon – Le Loir-et-Cher illustré – L’Illustration, (novembre 1933) – Délibérations du conseil municipal du 29 avril 1933.
Recherches personnelles.
Iconographie : collection particulière.

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