Regard posé en VendômoisÉconomie et société

Départ du jardinier des contes

Bruno de La Salle, fondateur du Conservatoire contemporain de littérature orale, le CLiO, quitte Vendôme après 25 ans de bons et loyaux services.

 

Bruno de La Salle a, durant 25 ans, dirigé et travaillé à cultiver l’art du conte et il a permis aux conteurs d’exercer leur passion avec talent. Il s’en va et le CLiO ferme ses portes après deux ans de survie. Ce long compagnonnage se termine faute de financements, de direction et de la volonté culturelle de poursuivre ce qui a été le renouveau du conte en France grâce à l’acharnement sans faille de ce conteur hors pair.

 

«Je laisse le regret de devoir m’en aller, je garde toute ma gratitude et mon amitié aux Vendômois qui, sans faille, m’ont toujours soutenu depuis le début» déclare-t-il, «maintenant je vais m’occuper de rassembler et de retranscrire tous les articles, interviews, collectages des différents conteurs et chercheurs que j’ai rencontrés lors de mes différentes interventions à travers le monde».

 

Le Clio. C’est en 1981, qu’il décide de créer le Conservatoire contemporain de Littérature Orale, à Chartres, pour y rassembler les moyens de recherche et d’apprentissage de l’art du Récit et de l’Epopée qui demeure pour lui le modèle d’excellence de toute littérature. La fréquentation assidue des futurs grands conteurs d’aujourd’hui a donné au Cli0 ses lettres de noblesse et une reconnaissance internationale. Il est reconnu comme une structure d’intérêt national, en 1987, par la Direction du théâtre et des spectacles au ministère de la Culture, ainsi que par l’aide des collectivités locales de la Région Centre, avant de s’installer en 1995 à Vendôme. « Nous sommes venus poser nos malles de contes au Quartier Rochambeau, à l’invitation du maire de l’époque, Daniel Chanet. La ville est riche d’Histoire, son atmosphère se prêtait à notre travail .» C’est tout naturellement que le festival Epos y trouvera le creuset dont il avait besoin pour y devenir une référence mondiale.

 

Fahrenheit 451. La création de cet atelier offre aux nouveaux conteurs la possibilité d’acquérir les capacités comparables à celles dont disposaient leurs ancêtres conteurs, griots, aèdes, troubadours ou poètes.

 

Chaque participant adopte l’un des grands récits du Patrimoine immatériel de l’humanité : épopées ou grands textes littéraires qu’il va adapter à l’oralité narrative et musicale. Il sera ainsi mémorisé, dit, entendu et partagé à travers le monde. C’est la continuité qui se perpétue depuis les origines de l’homme. L’atelier se poursuit aujourd’hui… à Paris.

 

En 1997, il organise à Vendôme le premier Salon du livre de Conte et des Conteurs en France très vite devenu le rendez-vous attendu des différents acteurs du milieu du conte.

 

Si Bruno de La Salle est le jardinier du conte, il en est aussi l’architecte de son rayonnement. Il est également l’un des membres fondateurs du projet Mondoral qui, de 2000 à 2012, travaille au développement national des arts de la parole, avec le soutien du Ministère de la Culture.

 

Le bilan est impressionnant avec la création d’une trentaine de grands spectacles, dont la célèbre et première nuit au Festival d’Avignon en 1981 où la totalité de l’Odyssée a enchanté le Palais des Papes. Mais aussi une vingtaine d’ouvrages, plusieurs fois réédités, des livres audio, une quinzaine d’émissions sur France Culture et la création d’une dizaine d‘Epopées En quittant Vendôme, Bruno de La Salle s’en va en emportant avec lui le bonheur qu’il a eu à travailler sur l’oralité, à y rencontrer les plus grands noms de conte, à y avoir former tant et tant de conteurs qui maintenant partagent sa passion à travers le monde et se réclame de son enseignement. Mais il y laisse aussi un grand regret : celui que la ville ne soit pas devenue, comme promis, la capitale du conte. La graine a été semée mais sans jardinier, ni atelier pourra-t-elle grandir ? «Je pense à un sabotier qui d’un morceau de bois, façonne une paire de sabots. Son savoir-faire est le patrimoine d’une civilisation. Un conteur, c’est identique, il raconte les grandes histoires de notre civilisation, de notre patrimoine mondial». avoue-t-il, avant de s’en aller vers d’autres épopées.

 

N’oublions jamais que le conteur et le sabotier permettent tous deux, de par leur art, aux hommes d’avancer dans la vie.

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