Économie et sociétéAssociations

Vol au dessus d’un nid de chatons

Peu visible dans nos villes ou dans nos campagnes, le phénomène des chats errants mobilise une association locale, en synergie avec les associations vendômoises spécialisées.

Ils sont moches. Des pas beaux, des crasseux, abimés par l’errance, accidentés de la vie, sur une ligne de crête létale, au pronostic vital parfois engagé, à en basculer vers la faucheuse à quelques jours de leur naissance, loin de l’image d’adorable peluche qui fait craquer la terre entière sur le Web. L’un a une patte de guingois, l’autre un œil noir et fermé, un autre encore en proie à la giardia, une maladie intestinale et parasitaire qui peut se révéler mortelle. Ils s’appellent Jefira, Zorro ou Garance et arrivent principalement de La Guadeloupe, là où le phénomène des chats errants prend une dimension tout autre qu’en métropole. En lien avec la paupérisation sur l’île, en proie aux problèmes sociaux et aux difficultés spécifiques aux DOM-TOM qui occultent en partie la problématique de la maltraitance animale. Mais ici ou ailleurs, la question demeure.

Pour venir en aide à ces animaux en péril, Séverine Paqui, Vendômoise depuis une dizaine d’années, a créé l’association «Chats du ghetto, d’ici ou d’ailleurs». Un investissement lourd à titre personnel pour une salariée à temps plein. D’abord chronophage, ensuite avec cette dimension affective qui pèse quand, malgré tous ses efforts, un des animaux dont elle a la charge vient à disparaître. La boule au ventre, sans cesse en surveillance, à nourrir à la seringue, toutes les heures, ceux qu’elle a placés en salle de soins. Avec en ligne de mire le maintien en vie, la guérison, puis le retour au jeu et le départ vers une famille d’accueil, le poil redevenu brillant, l’œil vif, les moustaches aiguisées et la griffe acérée.

Séverine, maman de quatre enfants, a bousculé son intérieur pour une organisation quasi-militaire: carnets de santé, salle de quarantaine, nursery et salon de jeu. Tout se passe pour l’instant chez elle, dans son grand appartement, du côté du boulevard Gérard Yvon, en attendant de pouvoir s’installer dans un local dédié. Ici, maximum dix chatons pour se conforter à la législation (2m2 par animal). Et l’hygiène est de mise, pas de teignes ni de coryza, avec des flacons à alcool pour se laver les mains à la sortie de chaque pièce, et pas une odeur de litière dans l’air.

«On ne peut pas fermer les yeux»

L’association a vu le jour en novembre 2015. Tombée en amour en 2013, sur le site de la SPA de Morée, de Ouenghy, un jeune siamoisé guadeloupéen de 3 mois, Séverine enchaîne avec Jefira, une petite malvoyante, puis Bagheera, à la patte recousue.

Un contact privilégié dans les DOM-TOM avec Véronique, membre d’une association de défense des animaux en Guadeloupe, la conforte dans la nécessité de passer à la vitesse supérieure et de monter son association: «On ne peut pas fermer les yeux, soit j’arrête, soit on crée une structure associative.» Avec le coup de patte de sa fille de 24 ans, qui gère l’administratif au sein de la structure, Séverine s’occupe des soins, du nourrissage, de la partie commerciale et de la communication. Pas moins de 70 adhérents rejoignent le projet. Quelques Vendômois, beaucoup de Parisiens, des Orléanais, souvent des citadins, qui, pour une quinzaine d’euros par an, soutiennent l’initiative et permettent d’assurer financièrement l’accueil, les soins, la stérilisation, voire le transport en avion des chatons depuis La Guadeloupe. Une démarche que l’association veut en synergie et complémentaire aux structures déjà en place sur le Vendômois, «Au nom de tous les chats ou la SPA font déjà et depuis longtemps un travail remarquable, explique Séverine. Mais nous ne sommes pas un refuge, hors de question d’accueillir 50 chats et de ne pouvoir assurer une qualité de soins. Il s’agit de fonctionner avec le cœur, mais surtout avec raison. Nos actions sont interactives. » Pour ce faire, Séverine peut compter sur le docteur Berger, «mon sauveur», vétérinaire à Vendôme, qui assure le suivi régulier des chatons, valide le protocole de soins et intervient en cas d’urgence.

Par ailleurs, l’association a sollicité la mairie pour une autorisation de placer des abris pour les chats errants du Vendômois et l’aide d’un technicien municipal pour les installer dans la ville. Avec pour projet de sensibiliser auprès des écoles et de cibler une population d’adoptants jeunes. Et pourquoi pas des quartiers populaires.

En attendant, dans la salle de jeu de l’appartement de Séverine, revigorés par leur pâtée salvatrice et les nombreux câlins dispensés par la maîtresse des lieux, Tango, Nina et Nelson escaladent maladroitement le filet de leur vaste et douillet enclos. Ça miaule de bonheur et d’impatience. Pressés de se lover dans les bras d’un humain et dans la chaleur d’un foyer aimant. Pour un nouveau départ, une autre vie. En vie surtout.

Adhésions et informations : chatsdughetto@outlook.com

Jean-Michel Véry

Journaliste à Politis, à Europe 1, au Petit Vendomois, rédacteur "tourisme" à Néoplanète, pigiste au Figaro et à l'Optimun.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page