De Fortan à l’Assemblée nationale La «folle» histoire d’Olympe, Fabrice et Jeanne
Il faut vraiment avoir de bonnes raisons pour effectuer des déplacements vers Fortan (dans le Perche Vendômois*). La première fois, une partie de l’école-mairie ou l’inverse menaçait de s’effondrer et le ministre de la Ville, Maurice Leroy, s’était penché sur le dossier et la cavité. La seconde fois est bien plus récente. Les artistes locaux, Jeanne Spehar et Fabrice Gloux, rencontrés lors de la première expédition en «Sibérie», comme le body-guard du ministre avait défini, en plein hiver, la plaine percheronne, avaient un scoop à nous refiler. Ce n’était pas la partie effondrée de l’école, ni l’histoire d’un arbre à abattre et qui ne le fut pas dans cette même cour, mais le fil d’une histoire comme il ne peut en arriver qu’une dans la vie complète d’humains, artistes ou simples citoyens…
Leur projet, en appels d’offres, pour créer une statue en hommage à Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, qui avait raté son entrée au Panthéon où allèrent, finalement, Geneviève Anthonioz-de Gaulle et Germaine Tillion, avait été retenu face à une quarantaine de candidatures. Cet hommage a été voulu par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui, ainsi, fera entrer au Palais Bourbon, la première statue d’une femme, certes pionnière du féminisme, figure des Lumières, avocate de l’émancipation de la femme, née à Montauban, en 1748 et décapitée à Paris le 2 ou 3 novembre 1793. Elle avait eu le temps de voir publier son texte « Les Droits de la femme et de la citoyenneté », en septembre 1791, de tenter de défendre le roi Louis XVI et de rédiger moult pamphlets. Cela les changeait de quelques œuvres pour le Musée Grévin…
Le buste sera installé dès sa finition, dans la salle des Quatre Colonnes face à celui de Jean-Jaurès, et ce, à la place de la statue d’Albert de Mun, théoricien du corporatisme chrétien et ancien député de la droite dite dure…Ainsi, se concrétisera ce qu’Olympe avait prophétisé en écrivant «La femme a le droit de monter sur l’échafaud. Elle doit avoir également celui de monter à la tribune». Elle ne pouvait rêver mieux, comme tribune, et ne manquera pas de regarder les députés et les journalistes débattre de l’avenir de La France, en pensant que presque rien n’a changé depuis plus de deux siècles et quelques années…
Se basant sur le portrait d’Olympe par Alexandre Kucharski, Jeanne à la recherche de tous documents sur Olympe, et Fabrice, à la manœuvre, ont pris un peu de retard dans la réalisation de cette commande assez exceptionnelle qui a perturbé leur train-train quotidien. Il a fallu, tout d’abord, digérer le résultat de l’appel d’offres, comprendre qu’il n’y avait pas eu de commande de statue depuis au moins un siècle à l’Assemblée nationale, bien suivre le cahier des charges très précis, partir à la recherche du matériau des Pyrénées déniché dans l’Hérault chez « Marbres de France » et pris en double «au cas où…».
Tout en reprenant, dans la tête, la base des cours de sculpture suivis chez un monteur statuaire en tant que compagnon, mais un peu oubliés car il fallut bien vivre, avant cette commande nationale, en effectuant des œuvres soudées, des pièces avec des matériaux chinés ou récupérés de droite ou de gauche pendant que Jeanne se lançait dans la confection de papiers peints personnalisés. Autour d’Olympe, le couple a vécu à son rythme, dévorant toutes les parutions sur cette grande femme, s’imprégnant de sa vie «exemplaire» et désirant transmettre, via la statue qui lui sera consacrée, toutes les valeurs qu’elle a défendues jusqu’à en perdre la vie.
«Et puis le fait de la savoir prochainement face à Jean-Jaurès nous a stimulés. Il fallait que le portrait soit aussi puissant, en face-à-face, mais en parité, avec une lumière douce jouant sur les ombres portées en trois quarts ouverts.. Nous n’en revenons toujours pas d’avoir été choisis. Pendant toutes les heures passées en compagnie d‘Olympe, nous sommes allés à l’école de l’humilité et de l’intelligence. Nous nous sommes cultivés encore plus. Elle était forte, anti-esclavagiste, profondément démocrate et si équilibrée dans ses actes. Elle fera, dorénavant, un peu partie de notre famille».
Jeanne Spehar et Fabrice Gloux ont attaqué une course contre la montre qui doit récupérer le retard accumulé depuis la mi-septembre dernier, date prévue pour la pose et l’inauguration de la statue à l’Assemblée nationale, les invitations ayant même été lancées avec un peu de précipitations…. Le président Claude Bartolone patientera un peu. Son ami Maurice Leroy lui expliquera que, dans le Perche, on vit au rythme des chevaux de trait, en attaquant les labours quand la terre est prête. Pas avant et pas après. L’ouvrage n’en sera que mieux réussi et parfaitement équilibré. Et pourquoi ne pas choisir la date du 8 mars, journée nationale de La Femme, pour poser, officiellement, la statue d’Olympe à l’Assemblée ? Ce serait une façon encore plus solennelle de rendre hommage à TOUTES les femmes, héroïques ou anonymes,, de France !
Richard Mulsans
* Note de la rédaction