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«J’ai parlé au nom de Fritz»

Dans son dernier ouvrage, Isy Ochoa déroule l’histoire glaçante de l’éléphant Fritz. Le parcours brutal d’un animal sauvage extirpé de son environnement naturel pour satisfaire à la curiosité morbide de la population et à l’avidité de patrons de cirque. Un sujet d’actualité. Explications de texte par l’auteur.

 

Isy Ochoa ; Fritz Fritz, c’est une histoire vraie ?

Oui. Cet éléphant né en Inde en 1870 a été capturé jeune par des hommes au service d’un marchand d’animaux sauvages allemand. Fritz est mort étranglé à Tours en 1902 puis naturalisé. Il est exposé au musée des Beaux-Arts de Tours. Il est le parfait emblème du martyre de l’éléphant de cirque.

 

Il doit exister de nombreux autres cas, pourquoi le choix de cet éléphant ?

Je n’ai pas cherché un sujet pour dénoncer un cas de maltraitance animale, c’est plutôt la rencontre fortuite avec Fritz qui a été le déclencheur. J’ai très vite voulu raconter sa vie pour lui rendre hommage. Ce ne sont pas les sujets qui manquent en matière de «maltraitance animale», j’aurais aussi bien pu raconter le parcours de Mévy, une tigresse «évadée» d’un cirque il y a un an à Paris et abattue d’un coup de fusil à pompe par son dresseur. L’association Code Animal fait ces jours-çi une campagne «Mévy» et réclame, à juste titre, une loi pour abolir la présence des animaux dans les cirques.

 

Vous sortez de votre zone de confort habituelle, plutôt florale et légère…

C’est certain ! Je reconnais que le travail de dénonciation exercé par les associations telles que l’ASPAS, la LPO, L214, Code Animal, la Fondation Brigitte Bardot, PETA, One Voice et beaucoup d’autres, a agi sur moi. Je continuerai toutefois à peindre des fleurs, des chats, des natures mortes et des paysages ; c’est mon pansement.

 

Quel accueil avez-vous reçu pour ce livre à l’occasion de vos nombreuses séances de dédicaces, à Vendôme ou à Tours ?

Excellent, à Vendôme comme à Tours. A Tours, l’accueil est très enthousiaste. Beaucoup sont heureux de connaître enfin la véritable histoire de Fritz. Il m’avait semblé que les Tourangeaux étaient très attachés à cet éléphant mais à ce point !

 

 

C’est votre premier album sur un sujet difficile, votre combat contre la maltraitance animale est récent ? De quoi se nourrit-il ?

Le mot «combat» me semble exagéré surtout vis-à-vis de gens qui vouent exclusivement leur vie au bien-être animal. Disons que, dans le cas de l’album Fritz, j’ai apporté ma pierre avec mes moyens. Jusqu’ici, je fermais les yeux sur les images dures par sensiblerie. Cela ne fait que quelques années que je suis prête à affronter la réalité, confortée par les campagnes des associations. En particulier celles qui révèlent l’affreuse existence des animaux dans les cirques, les delphinariums, les zoos, les abattoirs, les élevages de visons, lapins, tigres, les corridas, les laboratoires scientifiques. Le gavage des oies est une torture, la chasse aussi, particulièrement la chasse à la glue, l’extermination des renards ou le déterrage ignoble des blaireaux. La chasse à courre me révulse, elle est à mes yeux d’un autre âge et peu démocratique. La mode des capuches bordées de fourrure est à l’identique. Si les gens voyaient les images des coyotes ou des chiens viverrins – sortes de ratons laveurs – abattus pour agrémenter leur vêtement, je suppose qu’ils renonceraient à les porter. La chasse aux trophées en Afrique m’apparaît comme une hérésie : des gens fortunés qui tuent de splendides animaux, lions, girafes, éléphants, avec un arsenal militaire ! Et j’en oublie. Il y a tant de choses à dénoncer, l’exergue choisi pour «Fritz» résume tout. Il est de Léonard de Vinci : «L’homme est véritablement le roi de tous les animaux, car sa cruauté dépasse celle des animaux.»

 

Isy Ochoa ; Fritz

 

Comment avez vous travaillé pour retracer le parcours de Fritz, fort documenté ?

J’ai rassemblé le maximum d’informations à partir d’ouvrages en français et en anglais sur l’histoire des animaux, des zoos et du commerce des animaux – ceux d’Eric Baratay sont des bijoux –, des autobiographies ou biographies des acteurs de cette histoire, comme Hagenbeck ou Barnum, la presse de l’époque, des thèses, un rapport de Code animal sur les sévices physiques et psychologiques. L’histoire de Fritz est racontée par Fritz lui-même. La nation iroquoise avait l’habitude de demander, avant chaque palabre, qui, dans l’assemblée, allait parler au nom du loup. Eh bien dans ce livre, j’ai parlé au nom de Fritz.

 

D’autres ouvrages sur le sujet en préparation ?

Sans renier mes précédents ouvrages, bien différents de celui-ci, je dirais que Fritz m’a mise sur la voie. J’ai plusieurs projets en tête dont l’un est totalement dans même la veine. Ce ne sont hélas pas les sujets qui manquent. Au cours de mes recherches iconographiques j’ai vu tellement d’images horribles que je suis «blindée» maintenant. Cette citation de Lamartine est plus que jamais présente à mon esprit : «On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas».

 

«Fritz», Isy Ochoa, 64 p., ed. du Rouergue, à partir de 7 ans, 18,50 euros.
En librairies et sur les plateformes de vente en ligne.
Prochaines dédicaces : Le 16 décembre à 11h chez Récréalivres,
au Mans et le 22 décembre, de 15h à 18h, à la Boîte à livres à Tours.

Jean-Michel Véry

Journaliste à Politis, à Europe 1, au Petit Vendomois, rédacteur "tourisme" à Néoplanète, pigiste au Figaro et à l'Optimun.

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