Signature du livre «Comédie française»
Fabrice a joué Luchini ou l’inverse….
On ne saura peut-être jamais comment cela a commencé. Toujours est-il qu’Olivier Labbé, le libraire blésois de référence, a eu la chance d’harponner ou d’hameçonner l’acteur-auteur Fabrice Luchini pour qu’il vienne signer, en première presque nationale, en province, son tout premier livre «Comédie française, ça a débuté comme ça».
Il est possible, aussi, que le néo-Loir-et-Chérien, client de ladite librairie depuis son installation dans notre département, a harponné le libraire par défi.
Il y a bien longtemps que l’on n’avait vu autant de monde s’étaler de la table de signature, au sous-sol, à l’entrée de la boutique rue Porte Chartraine. Comme il n’y a pas eu d’émeute, la police, non sollicitée, n’a pu donner des chiffres exacts.
Mais, au nombre de livres vendus, plus ceux apportés par les clients, il y eut plus de 250 personnes recensées. Comme certaines étaient venues accompagnées par les parents, les enfants, les grands-parents ou même les voisins pour voir Le Luchini, la température monta vite dans la cave. Au fil des dédicaces, en vidant presque deux stylos, l’intarissable diseur-conteur de mots ne tarit pas d’éloges séducteurs, comiques, historiques, envers ses admirateurs. Il fut rarement pris en défaut, sauf au moment où une dame d’un âge, qui avait déjà connu une bonne partie du XXe siècle, lui offrit un livre ancien extrait de sa bibliothèque en lui confiant que cet ouvrage serait mieux chez lui que chez elle. Ce fut presque le seul moment où l’acteur baissa la garde, ému sans chichis, et ne joua plus du tout à la vedette.
Pour se reprendre aussitôt en citant des passages écrits par Victor Hugo, en chantonnant sur des prénoms qu’on lui demandait de coucher, en tout bien tout honneur, sur la troisième page, en souhaitant longue vie aux bébés de deux femmes enceintes dont l’une devait accoucher la veille de la signature…Etc.
Ce fut une joute oratoire de haut niveau, Fabrice rebondissait à chaque saillie orale de Luchini et l’inverse. Olivier Labbé regardait, subjugué. Le public en redemandait. On se serait cru dans un salon littéraire moderne endiablé, sans contraintes, ni obligations protocolaires. Loin des planches, dans cette librairie de province, Luchini lâchait les chevaux de son art, poussait le compte-tours de sa machine à parler au maximum et abordait tous les virages, sans freiner, sans déraper, sans faute de français, à fond la gomme. Et c’était, de plus, gratuit.
On pense même que s’il y avait eu plus de stock de ses livres, il aurait tenu toute la nuit…
Richard Mulsans