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Saint-Bienheuré, un quartier à découvrir

En cette année 2023 durant laquelle la rue du faubourg Chartrain connaît quelques bouleversements urbanistiques, d’autres anciens faubourgs de Vendôme méritent également que l’on s’y intéresse. Si le faubourg Saint-Lubin, deuxième paroisse en importance après Saint-Martin, se visite une fois l’an, aux journées des portes ouvertes des Monuments historiques, le faubourg Saint-Bienheuré quelque peu oublié vaut tout autant que l’on lui prête attention.

Troisième ancienne paroisse de la ville quant à sa population essentiellement ouvrière et rurale, elle s’étendait sur l’ensemble du plateau sud-est de Vendôme jusqu’en limite des actuelles communes de Coulommiers-la-Tour et Sainte-Anne. Comprenant la moitié orientale de la rue Ferme à partir de l’ancienne ruelle du Pont-Neuf (au niveau du n° 12) et la «place du château», la paroisse se prolongeait par l’étroite rue du faubourg éponyme enserrée entre la garenne du coteau et le Loir primitif. Puis au-delà des basse et haute Chappe, elle comprenait encore de nombreux lieux-dits habités1.

Mais qui était donc saint Bienheuré ?

Rapporté sous son nom latin «Sanctus Beatus», on ignore à quelle époque il vécut exactement ; les uns disent au IIIe siècle, les autres, au IVe. Peut-être orphelin dès sa tendre enfance, il serait né à Rome de parents nobles et riches, alors que lui préféra vivre pauvre et ignoré. Après, nous dit-on, de solides études il devint prêtre. Envoyé par le pape en Gaule pour prêcher l’Évangile, il parcourut d’abord l’Aquitaine où il accomplit des miracles et devint célèbre. Puis, quittant le sud-ouest, il se rendit à Nantes où, là, des bateliers du Vendômois l’incitèrent à venir évangéliser leur région. Remontant la Loire, la Maine et le Loir, c’est ainsi, toujours selon la légende ou la tradition, qu’il se retira dans la grotte à partir de laquelle l’église fut construite, non sans avoir, auparavant, terrassé le «Dragon» (symbole du paganisme) qui occupait les lieux2 et qui effrayait les habitants.

Apôtre du Vendômois, il fut le «Bienheureux» par excellence des populations locales. Par contraction orale de son patronyme, elles en firent bientôt saint-Béat, puis saint-Bié.

Une chapelle plutôt qu’une église

Maintenant à l’état de vestiges, elle s’élevait à flanc de coteau, dans la garenne, orientée (est-ouest), sur une terrasse d’environ 15 mètres de large et qui pourrait d’ailleurs être artificielle, d’un accès qui se mérite, à quelque 300m à l’est du château, à l’emplacement même où Bienheuré serait venu finir ses jours.

Plaquée contre le rocher, côté sud, toute sa moitié nord, sa façade occidentale et une partie de son chevet étaient en maçonnerie. De par ses faibles dimensions soit environ 15m de long pour 6m de large, l’édifice semi-troglodytique faisait penser, en effet, plus à une chapelle de campagne qu’à une église paroissiale de moyenne importance.

Son clocher carré, haut d’une soixantaine de pieds (environ 20m), se dressait au chevet où seuls quelques puissants murs de sa base apparaissent encore ; quant à sa courte flèche elle ne dépassait pas le sommet de la paroi rocheuse.

Intérieurement, côté chœur, un arc ogival aux moulures prismatiques pouvant être daté du XVe siècle reste toujours bien visible ; le maître-autel était adossé au pignon.

Dans la nef, simple et dépouillée, se situait la fameuse «grotte», creusée dans la roche, faisant alors office de chapelle latérale sud consacrée à la Vierge ; face à elle, se dressait la chaire. Quelques traces de peintures murales, peut-être du XIIIe siècle, subsistent également.

Suite aux fouilles archéologiques réalisées en 19483, le dallage primitif se retrouve maintenant de 60 à 80 cm plus bas que le niveau du sol actuel. Peu étudiée, de cette église on en sait guère plus.

La paroisse possédait deux cimetières. Le premier, de surface moindre, s’étendait derrière le chevet et possédait un puits ; le second, plus important, se situait au-dessus de l’église, à rupture de pente, du côté de l’actuelle rue Charles Lindbergh.

Un peu d’histoire

Sans remonter au Vᵉ siècle, date possible d’un premier édifice, comme il fut parfois écrit, notre église en question est connue surtout à partir du XIe siècle, notamment par les noms de quelques curés et par son tout récent rattachement au comté de Vendôme.

Ainsi, selon certaines chartes de l’abbaye de la Trinité, un peu avant 1040, la comtesse Agnès de Poitiers, épouse du comte Geoffroy Martel (1032-1050) achète effectivement à Lancelin, sire de Beaugency, cette petite église pour 1 000 livres et deux bijoux en or du prix de 10 livres, en plus, ajoute-t-on, des 2 000 livres dues par le dit Lancelin à Geoffroy.

Comme on peut le voir, le faubourg Saint-Bienheuré, s’étendant au pied même du château de Vendôme, ainsi qu’une partie du Vendômois, à l’est, se trouvaient donc, à l’exception maintenant de l’église nouvellement rachetée, dans la mouvance des sires de Beaugency eux-mêmes appartenant aux fiefs blésois. Une situation paradoxale qui perdurera pourtant jusqu’en 1329 date à laquelle les comtes de Blois, Guy 1er (1307-1342) et de Vendôme, Bouchard VI (1315-1354) délimitèrent enfin leurs comtés respectifs en repoussant ces limites jusqu’au dolmen de la Chapelle-Vendômoise.

Dépendante, par la suite, de la Trinité, dès le XIIe siècle, la paroisse Saint-Bienheuré se voit gratifiée de deux curés, le premier en tant que moine, le second comme prêtre séculier et ce jusqu’à la réforme de Saint-Maur en 1621. Puis, de cette date à 1789, seul le curé séculier subsista ; résidant à la Trinité, une passerelle non située précisément, permettait de passer le Loir, depuis l’abbaye pour se rendre à l’église Saint-Bienheuré qui n’eut, de ce fait, plus de presbytère si tenté qu’il en existât bien un auparavant.

En 1791, l’église était vendue nationalement pour 2 525 livres et détruite peu après.

Rue du faubourg Saint-Bienheuré

Déjà mentionnée en 1199 (charte de la Trinité) et en 1239 (charte Vendômoise) «in vico sancto Beati», nous la retrouvons, au XVe siècle, sous le nom de «rue du bourg Saint-Bié», faisant doublon avec la rue Saint-Bié déjà dénommée ainsi ; voire également «forsbourg Saint-Beneuré». Pendant la période révolutionnaire, An II (1792) et An IV (1796), elle prit encore le nom de «faubourg de l’Union».

Axe essentiel du quartier s’étirant en longueur, cette rue possède également (ou a possédé) plusieurs maisons anciennes, quelques bâtiments (notamment des tanneries) et autres lieux ayant un intérêt historique certain4. Particularité du quartier, du moins jusqu’au XIXe siècle, huit allées (ou passages) permettaient, depuis cette même rue, de rejoindre aisément le Loir et plusieurs lavoirs particuliers mis en commun ; passages pour la majorité aujourd’hui disparus absorbés par le privé.

Sur le plan historique, nous pouvons encore ajouter deux fontaines, hélas ! en bien mauvais état : Badran (ou Regnard) et du Pissot ; trois anciens moulins : de la Vicomté ou de Chanteloup, de Saint-Mars (arasé) et Frabot ; une très vieille chapelle dite Saint-Jean de l’Hermitage située à mi-pente de l’actuelle rue de la Chappe, côté ouest et supprimée au cours du XIXe siècle et d’anciennes carrières de tuffeau à ciel ouvert encore exploitées au XIXe siècle et l’emplacement de leur indispensable four à chaux.

De toute évidence, un quartier encore trop méconnu mais chargé d’Histoire.

Note 1 : Comme La Valetterie – La Croix-Bedin – La Corbinière – Beaumé et son moulin – La Bastière – La Bretonnerie – Bois-la-Barbe – Brosse-Poisson ; pour en savoir plus sur ces lieux-dits, consultez le dictionnaire du Vendômois de Raoul de Saint-Venant.
Note 2 : Une autre tradition rapporte que notre bienheureux saint aurait aussi vécu une grande partie de sa vie, non pas à Vendôme…Mais à Laon (Aisne).
Note 3 : Fouilles réalisées par M Alain Fonquernie du 18 au 31 juillet 1948. Rapport publié dans le bulletin de la SAV, année 1982.
Note 4 : De même, pour ne pas se répéter, vous pouvez consulter le dictionnaire du Vendômois.
Références bibliographiques :
R. de Saint-Venant, Dictionnaire du Vendômois / Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, 1982, Rapport Fonquernie / Saint-Bienheuré de Vendôme, atelier de patrimoine du collège Gérard Yvon sous la direction de Jean-Jacques Loisel / Recherches et études personnelles, dossiers : Églises paroissiales et quartiers de Vendôme ; légendes et traditions du Vendômois.
Référence iconographique :
Ruines de l’église Saint-Bienheuré, eau forte de Queyroy, vers 1850.

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