Actuellement en campagne électorale, le président de la République, Emmanuel Macron, dans sa liste de propositions promet, s’il est élu pour un second quinquennat, de supprimer la redevance audiovisuelle. Si cette annonce a suscité de nombreuses réactions, elle était pourtant attendue car, dans sa forme actuelle, la redevance est adossée à la taxe d’habitation qui devrait prendre fin en 2023.
Le principe de cette contribution n’a pas changé depuis sa création en 1933. La redevance, à l’époque, était payée par tous les détenteurs de postes de radio. Après-guerre, la télévision rentrait dans le dispositif et ,de 1982 à 1986, les magnétoscopes y étaient assujettis. De nos jours, 28 millions de Français payent 138 € par an en métropole et 88 € hors métropole. Cette contribution à l’Audiovisuel Public (CAP) rapporte 3.2 milliards d’euros nets à l’État, ce qui n’est tout de même pas suffisant pour financer France Télévisions, Radio France, France Média Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
Se pose la question de l’indépendance du secteur public. Avec la généralisation de la consommation audiovisuelle par l’intermédiaire d’autres types d’écrans, smartphones, tablettes ou ordinateurs, la question d’un éventuel élargissement de la CAP à tous les foyers se pose depuis plusieurs années. Alors que supprimer la redevance est présenté comme un moyen de renforcer le pouvoir d’achat des Français, autre sujet de la campagne électorale du moment, un nouvel impôt serait-il judicieux ? Ou bien l’augmentation d’un autre prélèvement ? Peut-être le rétablissement du modèle publicitaire d’avant 2009 qui avait vu depuis la publicité bannie en soirée sur les chaînes publiques ? Il me semble que l’importance du choix de subvention met à l’abri de tout soupçon sur la liberté et l’indépendance du service public dans un monde où la défiance et la désinformation sont légions. La crainte que l’on peut avoir, c’est que cette suppression de la redevance ne soit pas entièrement compensée par de nouvelles sources de financement.
Quant au modèle allemand ou anglais, l’audiovisuel public reste un élément important de la dépense publique, notamment la BBC en Grande Bretagne à laquelle les Anglais restent fortement attachés. Et pourtant, le modèle ultra-libéral anglo-saxon pourrait donner à penser qu’une privatisation radicale serait à l’ordre du jour, Boris Johnson y a bien songé lors de son arrivée au pouvoir mais a très vite fait marche arrière.
Patrick Balkany, alors député des Hauts-de-Seine, avait déjà lancé l’idée en 2015 d’une privatisation en déposant trois propositions de loi à l’Assemblée Nationale contre les médias. Comme Marine Le Pen ou Eric Zemmour le proposent dans leur programme électoral, il souhaitait donc privatiser l’audiovisuel public et rajoutait vouloir couper les subventions à la presse écrite et supprimer les niches fiscales des journalistes. Patrick Balkany défendait l’idée que cette presse manquait d’objectivité et de partialité et semblait oublier qu’elle coûtait cher aux Français. Une situation ironique venant de la part d’un homme qui fut condamné quelque temps après pour fraude fiscale et blanchiment aggravé. L’audiovisuel public reste bien un contre-pouvoir, ce qui peut déranger certains finalement.
Alexandre FLEURY