1870/71 : deux monuments commémoratifs quelque peu méconnus
Si la cérémonie, dimanche 8 novembre, autour du monument de la route de Blois, quartier de la Pierre Levée, avait pour but de dévoiler la plaque portant désormais le nom de « Rond-point de la médaille militaire » et « d’inaugurer » le dit monument nouvellement restauré, elle devait aussi rappeler aux Vendômois le souvenir de la guerre de 1870/71, particulièrement douloureux en ce lieu. Mais de ce monument commémoratif, tout comme d’ailleurs celui du sous-lieutenant Aubry érigé à cent mètres de là, également route de Blois, que sait-on, exactement, de leur histoire ?
Un comité efficace
À peine estompée la pesante occupation prussienne, le 30 décembre 1871, se réunissaient plusieurs habitants de Vendôme désireux de perpétuer le souvenir de la bataille qui s’était livrée sous les murs de la ville, le 15 décembre 1870 et des combats dont elle avait été le centre pendant une vingtaine de jours. C’est ainsi qu’un comité chargé de recueillir les fonds nécessaires à l’érection d’un monument fut créé. Placé sous la présidence de Geoffroy Boutrais, ce comité était composé d’un vice-président : M Wacquant ; d’un secrétaire : M Lemercier ; d’un trésorier : le notaire Thoraux et de trois membres, MM Deshayes, Lax et Robin.
Les souscriptions lancées dès janvier 1872, s’étalant sur quatre mois, s’élevèrent à 2 022,90 f ; une somme qui devait couvrir les dépenses. Le 16 juin, une invitation officielle sera d’ailleurs adressée aux très nombreux et généreux donateurs pour les en remercier.
De son côté, le Conseil municipal lors des séances des 14 février, 14 et 19 mai 1872, allait décider d’élever le monument au Temple, à la bifurcation de l’ancienne (la rue du roi Henri) et de la nouvelle route de Blois (N 157), alors dans la plaine, à l’emplacement même où avait stationné une partie de l’artillerie française. Une somme de 1 550 f fut encore votée (le 14 mai) pour l’achat du terrain acquis de M Chesneau-Mustière (au prix de 150 f) et pour son entourage (1 400 f).
Le monument
Son exécution, très rapide, fut confiée, par le comité, à MM Lax, ingénieur des ponts et chaussées et Robin, architecte à Vendôme. Haut de 5,30 m, il se présente sous l’aspect d’un tronc pyramidal quadrangulaire, sans sculpture1, terminé en pointe de diamant et posé sur un piédestal centré sur un vaste emmarchement de trois degrés ; seules trois des faces de sa base, furent gravées :
Ainsi, sur sa face principale (côté est), on peut lire : « 1870 – 1871, Défense nationale, souvenons-nous » et sur les façades latérales,( côté sud) : « A l’Armée de la Loire, en mémoire des combats livrés pour la patrie autour de Vendôme2, 15 décembre 1870 – 31 décembre 1870 – 6 janvier 1871 » ; (côté nord) : « A la garde nationale mobile de Loir-et-Cher, à ses morts glorieux – St-Laurent-des-Bois, Coulmiers, Faverolles, Loigny, Patay, Messas-Foinard, Villorceau, Josnes, Parigné-L’Évêque, Le Mans, St-Jean-sur-Erne » ; la face ouest ne possédant aucune inscription.
De même, si aucun des nombreux morts pour la Patrie n’y figurent, toutes ces victimes officiellement reconnues (316) intéressant chacun des 8 cantons de l’arrondissement de Vendôme décédées lors des différentes batailles énumérées ci-dessus, sont toutefois répertoriées dans la chapelle rayonnante Sainte-Marie-Madeleine de l’église de la Trinité.
L’entourage en fonte, réalisé par « l’usine de Fréteval, Bruère et Cie, en 1872 » représente des fûts de canons debout, comme fichés en terre, la culasse en l’air, légèrement inclinés et accouplés, dans les angles, avec à leur base trois boulets (exception faite toutefois dans l’angle sud-est) et que de grosses chaînes aux maillons rectangulaires relient à des empilements intermédiaires de quatorze boulets.
L’inauguration
Comprise dans la grande semaine des fêtes de Vendôme programmée du samedi 15 juin au dimanche 23 juin 1872, l’inauguration eut lieu le samedi 22 à 1 heure et demie de l’après-midi (13h30), partagée entre l’exposition d’horticulture, le comice agricole, l’ouverture du Congrès Archéologique de France, l’inauguration de la statue de Ronsard3 et le repas des Anciens Élèves du lycée, pour ne citer que cette partie des réjouissances.
Le cortège parti de la sous-préfecture se rendit à pied au Temple. Il était composé du général de division Bastoul, délégué par le ministre de la Guerre, du général de brigade commandant à Blois, de MM le colonel et officiers du 10e Chasseurs à cheval (stationné au quartier Rochambeau de 1871 à 1888), de MM les députés de Loir-et-Cher, de M le sous-préfet, du maire4, de ses adjoints et conseillers municipaux, des fonctionnaires de la ville et enfin des membres du comité. La compagnie des sapeurs pompiers et un escadron du 10e Chasseurs formaient l’escorte.
Arrivé sur place, regroupé autour du monument, M Boutrais, président du Comité prenait la parole. Puis se fut au tour de M Manuel de Gramedo, sous-préfet (1871-1874), de commenter l’inscription «Souvenons-nous», bientôt suivi des discours de MM Tassin, Ducoux et Bozérian, tous trois députés, et du général Bastoul, devant une foule immense, aux cris de : «Vive l’Armée ! Vive la France !
À 3 heures (15 h), le cortège s’en retournait à la sous-préfecture.
Et le 24 décembre (1872), le comité, par acte authentique, faisait abandon du monument à la ville.
Le monument particulier du lieutenant Aubry
Situé également route de Blois, à droite en quittant la ville, ce monument commémoratif s’élève proche du pont routier enjambant la déviation ‘est’ de Vendôme.
Monument de moindre importance que le précédent, il est surmonté d’une croix latine. Sur la face principale orientée au nord, ornée d’une plaque du « Souvenir français », d’une croix de la Légion d’honneur et de deux petits canons croisés, tous deux gravés dans la pierre, on peut lire : « Pax, ici Georges Aubry tomba pour la patrie, 1848 + 1870 ».
L’entourage composé d’une grille métallique des plus ordinaires, avait été elle-même doublée, voici encore peu de temps, d’une haie vive (et aujourd’hui arrachée).
Mais qui était Georges Aubry ?
Né le 1er janvier 1848 dans le 3e arrondissement de Paris, il avait fréquenté le collège de l’Immaculée Conception à Vaugirard, puis l’école Sainte-Geneviève (du 10 octobre 1865 au 31 juillet 1868), toujours à Paris, avant d’être admis à l’École Polytechnique en 1868.
Sous-lieutenant au 14e régiment d’Artillerie, 23e batterie, il était grièvement blessé le 15 décembre (1870), au Temple ; le 21 suivant, il décédait dans une ambulance particulière de la ville (une annexe de l’hôpital).
«Le 15 décembre 1870, en effet, un violant combat s’engageait sur le plateau du Temple entre les armées française et allemande. L’ennemi ne pouvait pénétrer dans Vendôme et subissait des pertes considérables ; les nôtres malheureusement étaient sérieuses, surtout pour l’artillerie. Le jeune Aubry qui commandait l’une des batteries fut grièvement blessé…».
Le 15 janvier 1871, à titre posthume, il était promu chevalier de la Légion d’honneur et élevé, semble-t-il, au grade de lieutenant (ou de capitaine selon certaines sources).
Le 17 décembre 1871, M Félix Aubry, son père – sa mère, née Amélie Peigné, étant décédée trois ans plutôt (1868) – venait à Vendôme pour faire transporter le corps de son fils à Paris. Puis, voulant perpétuer sur le lieu même le souvenir du combat où ce dernier avait succombé glorieusement et après avoir personnellement acheté le terrain, au sortir du Temple, M Aubry manifesta le désir d’y élever un monument en sa mémoire et en celle de ses compagnons d’armes.
Le monument composé de blocs de pierre pré-taillés fut ainsi assemblé début 1872 et offert généreusement à l’administration municipale par la famille du jeune Aubry, à charge, pour la ville, d’y sculpter ce que bon lui semblera, en mémoire des défenseurs de Vendôme. Mais au vu de la sobriété de la seule inscription gravée, on peut penser que la municipale d’alors fut, de toute évidence, en manque d’inspiration.
Enfin, le 28 juillet 1872, en présence de l’élite vendômoise, une émouvante cérémonie religieuse, à la Trinité, rendait hommage au brave sous-lieutenant avant de se recueillir devant le monument élevé à sa gloire.
Note 1 : Une plaque au nom du « Souvenir français » représentant une main tenant un flambeau et une épée est apposée, toutefois, sur la face ‘est’. On retrouve d’ailleurs une plaque identique sur le monument de Georges Aubry.
Note 2 : 15 décembre 1870 : violent combat opposant les Prussiens à l’artillerie française positionnée sur les hauteurs du Temple – 31 décembre 1870 : affrontement entre les Prussiens retranchés derrière la ligne de chemin de fer et l’armée de la Loire qui occupait alors la Garde, Bel Air et la plaine de Saint-Ouen – 6 janvier 1871 : combats autour de Vendôme du côté de Sainte-Anne, Varennes, Montrieux, Huchepie, et le Gué-du-Loir, entre autres.
Note 3 : Lire le Petit Vendômois n° 280, mars 2012 : « Lorsque Vendôme perpétue le souvenir de Ronsard (1ère partie) ».
Note 4 : À remarquer que le nouveau maire Charles Chautard (11 mai 1872 – 4 avril 1874, sur démission) n’intervient pas dans les nombreux discours, étant retenu, dès le matin, à la sous-préfecture, où il est nommé au grade d’officier de l’Instruction civique publique en présence du ministre Jules Simon, et que l’après midi, dans le cadre de la fête de Ronsard, il préside le banquet des Anciens Élèves du lycée ; mais il participe, comme il est dit, entre ces deux manifestations, au cortège se rendant à pied de la sous-préfecture au Temple.
Références :
Les fêtes de Vendôme, librairie Mettaye, Lemercier, Vendôme, 1873 ; bibliothèque de la Société archéologique du Vendômois.
Journal Le Loir, année 1870/1872, bibliothèque de la CPV.
Registres de délibérations, 1868/1875, Archives communales, Vendôme.
Recherches et étude personnelles.
Iconographie : Le Petit Vendômois
Une plaque pour la Médaille Militaire à Vendôme
Début Novembre, au sud de Vendôme, le rond point connu jusqu’ici du nom d’une enseigne de supermarché a désormais un nom prestigieux, celui de la Médaille Militaire. L’inauguration s’est faîte devant le monument rappelant les évènements de la guerre de 1870 qui n’épargna pas Vendôme et le Vendômois.
Une rangée impressionnante de drapeaux français portés par des hommes tous médaillés, entourait le monument de forme pyramidale, inauguré en 1872 (lire ci-dessus, le récit complet de son élaboration grâce à notre historien local). Un rappel historique de la Médaille Militaire fut fait lors du discours de Gérard Leduc, Président de la 124e section des médaillés militaires de Vendôme rappelant que «c’est devant cet unique monument de notre ville que nos aînés en 1909 se sont recueillis afin de déposer une gerbe en mémoire de la Garde Mobile» qui s’était battue face aux prussiens. Lucien Rey, délégué général pour le Loir et Cher du Souvenir Français, association qui veille à l’entretien des tombes et monuments et décerne des récompenses à ceux qui servent l’œuvre avec dévouement, déposait une gerbe lui aussi, à côté de celle du Conseil départemental, représenté par Monique Gibotteau et de celle de la Ville de Vendôme devant ce monument.
C’est dorénavant le Rond point de la Médaille Militaire qui accueillera les automobilistes en provenance de Blois pour se rendre dans le centre Ville de Vendôme.