Le papa de Ronsard avec les fils du roi en Espagne
L’histoire du Vendômois racontée aux enfants
Le père du grand poète né à Couture avait souvent fait la guerre aux côtés du roi. Quand ce dernier a dû laisser ses enfants comme otages auprès de son ennemi Charles Quint, c’est lui que François 1er a choisi pour veiller sur eux. Ils n’avaient que 7 et 8 ans !
Ce qu’on retient souvent de François 1er, c’est la fameuse victoire de Marignan en Italie (1515) l’année de son sacre1 et son intérêt pour le nouveau style artistique de la Renaissance. Il a d’ailleurs transformé le pavillon de chasse de Chambord pour en faire le plus grandiose des châteaux de la Loire et installé le célèbre Léonard de Vinci à Amboise, au Clos-Lucé, tout près du château qu’il habitait ; le peintre de La Joconde a gagné l’amitié du roi.
Mais une période de la vie de François 1er va entraîner de tristes conséquences pour trois jeunes enfants dont le petit Pierre de Ronsard qui venait de naître à la Possonnière, à Couture-sur-Loir, manoir qui se visite aujourd’hui.
Le roi est fait prisonnier
François 1er a 31 ans quand il perd la bataille de Pavie, en Italie, contre les troupes de l’empereur espagnol Charles Quint qui veut avoir pour lui une grande partie des pays autour de la Méditerranée. Fait prisonnier dans un château, il va être ensuite emmené à Madrid, la capitale de l’Espagne. Gardé dans une tour sans confort (ce qui est étonnant pour un roi), il va finir par tomber malade et devoir accepter les conditions de Charles Quint s’il veut retrouver sa liberté.
Le traité de Madrid
Pour pouvoir regagner la France, le roi captif doit s’engager à ne plus faire la guerre pour reprendre la Bourgogne ou pour obtenir de petits royaumes en Italie, aux Pays-Bas, au pays Basque et… A épouser la sœur de Charles Quint ! On appelle cela un «traité».
Avant de le signer officiellement, François a pris soin de faire rédiger un acte secret par son notaire disant que «toutes concessions faites en vue de sa liberté seraient sans valeur» (les concessions = ce qu’on accepte dans le cadre d’une entente à plusieurs personnes). Ainsi, il pourra renier le traité une fois libéré par les Espagnols.
Ses fils en otages
Après qu’il ait signé le traité, le roi de France est libéré par Charles Quint. Mais le roi d’Espagne y met une condition : que les deux fils de François 1er soient gardés en otage jusqu’à ce qu’il ait tenu parole.
Pour veiller sur eux, le roi choisit son homme de confiance : Loys (ou Louis) de Ronsard, le père du futur poète Pierre de Ronsard né deux ans plus tôt, à Couture-sur-Loir. Ainsi le fait-il nommer Maître d’hôtel des enfants de France.
Trois enfants privés de leur père
Henri est le plus jeune. Le 17 mars 1526, jour de l’échange avec le roi de France, il est à quelques jours de ses 7 ans. François, son aîné, vient d’avoir 8 ans. Ils sont déjà orphelins de leur mère, morte deux ans plus tôt des suites d’une autre naissance. A peine ont-ils le temps d’échanger quelques mots avec leur père (qu’ils connaissent peu car ils le voient rarement) et celui-ci s’éloigne au milieu de soldats français. Loys de Ronsard les prend par la main et ils passent tous trois la frontière, escortés par les Espagnols.
Pendant quatre longues années, ils grandiront au château de Pedraza de la Sierra, dans les belles montagnes de Castille au nord de l’Espagne. Mais ils sont loin de la France et des châteaux de la Loire qu’ils aiment. Bien sûr, ils sont considérés comme des princes et bien traités, mais ils n’ont personne à embrasser le soir !
Quant à Loys de Ronsard qui veille sur eux, cette mission voulue par le roi le prive lui-même de ses enfants, et notamment du petit Pierre. Il aura six quand il reverra son père, ne le découvrant vraiment qu’à cet âge-là.
En 1530, les otages sont libérés contre une rançon énorme : deux millions d’écus d’or ! Cette libération se fait grâce à un nouvel accord de paix.
De tristes conséquences
Mais les jeunes princes ne se remettront jamais tout à fait de cette captivité. François (qui aurait du être roi), meurt de maladie à 18 ans. Son cadet en garde des problèmes psychologiques : il a toujours peur pour sa santé. Cela ne l’empêchera pas d’être sacré roi sous le nom de Henri II. On le considère comme «le dernier roi chevalier», à juste titre puisqu’il meurt à 40 ans seulement lors d’un tournoi à Paris, blessé par une lance.
Pierre de Ronsard, devenu poète, perdra ses deux parents à une année d’intervalle, juste après ses 20 ans. Il n’aura pas non plus profité longtemps de son père qui, d’ailleurs, l’avait envoyé comme page à la cour dès son adolescence !