«Qui a tué Evelyne, agent OSS du Plan Sussex ?»
Samedi 10 août, à l’issue de cérémonie officielle, à l’occasion du 75e anniversaire des Fusillés de Nioche, agents secrets de l’Opération Sussex 1944, se déroulera une conférence exceptionnelle sur la courte vie d’une jeune sous-lieutenante Evelyne Clopet, fusillée avec quatre de ses camarades (Roger Fosset, André Noël, Aristide Crocq et Marcel Biscaïno). En attendant la sortie prochaine de son livre (et même d’un film), Sylvie Kabina-Clopet, sa nièce, nous en dit un peu plus sur cette histoire d’espionnage véridique, inédite et étonnante de l’été 44.
Evelyne Clopet, 22 ans en 1944, est née à Pornic*. Sœur de Robert Clopet, mon père, engagé dans la 2e DB du Général Leclerc dès 1943, elle fut la seule femme agent de renseignement «Active» parmi une centaine de recrues sélectionnées. Elle fut connue comme opératrice Radio du très secret «Plan Sussex» tripartite de Londres, organisé par les Alliés comme support au Débarquement. Volontaire sous les ordres de l’OSS (Services secrets américains) depuis Casablanca où elle résidait avec les siens, elle fut retrouvée fusillée le 10 août 1944 près de Vendôme, avec quatre de ses camarades, la veille de la Libération de la ville, un mois après son parachutage en Mayenne pour une mission à Angers.
La version officielle, annoncée initialement aux familles des victimes puis répétée durant 75 ans lors des cérémonies annuelles du souvenir fut : «Fusillés en service commandés par les Allemands locaux». Une stèle imposante édifiée sur la Nationale 10 dès janvier 1945 l’atteste, ainsi qu’une rue inaugurée à son nom à Pornic, en 2007. Evelyne recevra post mortem le Purple Heart et la Silver Star des autorités américaines.
Or il n’en est rien ! La Justice militaire de Paris avait blanchi les Allemands en 1951 à l’insu de tous, par un Non Lieu en leur faveur, comme l’ouverture récente des archives de Vichy en témoigne.
Dès lors, deux questions se posèrent à moi qui mène l’enquête depuis plus d’une dizaine d’années, et dont les découvertes et vérités paraîtront prochainement sous forme de livre et de film : Qui sont les meurtriers? Pourquoi cette manipulation et un tel tabou qui persiste encore en 2019 ? Vous y suivrez les arcanes complexes du contre-espionnage dans l’Ouest de la France à l’heure du Débarquement, où chaque camp infiltre l’autre, où les traîtres et traîtresses agissent aussi bien par idéalisme, vengeance que par avidité financière. Les collaborateurs assassins, agents doubles infiltrés, finiront par être arrêtés, condamnés à mort pour certains, à perpétuité ou bannissement pour d’autres, parfois incognito, sous leurs noms d’agents allemands… Dernier rebondissement : dès le Débarquement, les Alliés décidèrent d’encadrer, «d’intoxiquer» les agents français membres des groupes collaborationnistes, tels le PPF, «Collaboration», ou «Jeunesse de l’Europe Nouvelle», en retournant ces Stay-Behind à leur avantage, avec l’aide étonnante du contre-espionnage allemand…! Qui étaient ces manipulateurs alliés ? Quelle fut la nouvelle mission du Colonel Rémy (chef du Plan Sussex côté français) ordonnée par le Général Koenig fin juin 1944 et qui perdura jusqu’au 15 août ?
Enquête assurément d’utilité publique, réalisée en collaboration avec des experts de la Gendarmerie nationale sous le regard critique d’historiens français, américains, allemands et anglais et l’aide si précieuses des archivistes des pays concernés.
Rendons hommage au courage exceptionnel d’Evelyne Clopet, en lisant quelques-unes de ses lettres conservées miraculeusement par la famille, l’une écrite en 1943 à Alger où elle suit une formation dans les transmissions de l’école d’Hydra du Général Merlin, l’autre envoyée en 1944 depuis Londres, où elle vient d’être sélectionnée comme agent Sussex :
1) «Alger, 5-10-43 : C’est dans les sous sols du Centre des Invalides de guerre et ancien séminaire que sont installés nos postes d’écoute. Notre service s’effectue de 9H30 à 12H un jour et de 12H00 à 18H30 le lendemain. Ce lieu est situé à environ 7km d’Hydra et à même distance du Centre d’Alger. Un car militaire nous permet d’effectuer ce trajet chaque fois, ce qui est fort appréciable, car dans les premiers jours, nous devions quitter Hydra à 6H00 afin de prendre les différents trams et trolleys, sans compter les kms que nous avions marchés… En t’espérant en parfaite santé, reçois cher Robert mes bons baisers. A te lire, Evelyne».
2) Evelyne Clopet, P.O. Box 244, London EC1, à Robert Clopet, volontaire, 1ère classe, 10e compagnie 2. DB «Londres, le 6. Mars 44 Mon cher Robert, Déjà une semaine passée que je suis à Londres ; le temps passe terriblement vite. J’ai posté avec le premier message à toi destiné, une lettre à Maman et Papa. Il est presque certain que tu reçoives de mes nouvelles avant eux, aussi préviens-les dès réception… Ces aérographes ne peuvent être envoyés aux civils. Je vais rester probablement un long moment sans pouvoir vous lire, étant donnés les longs délais que met le courrier à nous parvenir. Rien de sensationnel à t’annoncer. J’ai vu jouer «Mayerling», film parlant français, tout récemment. Les distractions ne font pas défaut ici. Nombreux cinémas et théâtres. Pour les amateurs de danse, dancings en quantité. Les restrictions sont à peu près inconnues, tout au moins dans les restaurants, smoke bars, maisons de thé où l’on trouve toutes sortes de sandwichs, gâteaux etc. Seuls les fruits manquent… Je n’en ai pas vus depuis mon arrivée ; de la compote de pommes à déjeuner, oui, mais de pommes, point ! Fortes restrictions. Je termine en t’embrassant très affectueusement, Evelyne».
Sylvie Kabina-Clopet
* Charles Clopet, père d’Evelyne, Capitaine au long cours, fut directeur de la Compagnie de remorquage des Abeilles de Nantes, avant de prendre la direction de la Société Chérifienne de remorquage et d’assistance de Casablanca.
La Cérémonie du souvenir se tiendra elle à 17h30 samedi 10 août, au pied de la Stèle de Bel Air, au Nord de Saint-Ouen, N10, ce même 10 août. Suivie du verre de l’amitié et de la conférence (lire ci-dessous)
Conférence samedi 10 août, 19h, salle des Associations, 26 rue Georges Carré, Saint-Ouen :
Mme Sylvie KABINA-CLOPET, nièce d’Evelyne CLOPET, coordinatrice des recherches, M. Georges PHILIPPOT, Général de la Gendarmerie Nationale (re), Docteur en histoire, Fondateur de la Société des Archives de la Gendarmerie Nationale, M. Raymond H.A. CARTER, Colonel de la Gendarmerie Nationale (re), Docteur en droit pénal international, spécialiste du contre terrorisme pour la Communauté européenne, M. Jacques CHESNIER, historien, spécialiste de la Résistance dans la Sarthe,
Vous proposent une conférence-débat intitulée : «Souvenirs, Énigmes, Révélations»
Renseignements : Mairie de Saint-Ouen : 02 54 73 31 00