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Un ancien quartier dénommé Saint-Denis

Du Grand Cimetière de la Courtille avec sa chapelle Notre-Dame de Toussaint à la place Saint-Denis qui lui succéda, en passant par le théâtre municipal et les deux bâtiments scolaires qui l’encadrèrent, c’est toute l’histoire d’un quartier oublié, celui de l’ancien quartier Saint-Denis ne faisant maintenant plus qu’un avec le faubourg Chartrain, qui resurgit. Mais avec le remodelage urbain, intéressant plus spécialement ces lieux, qui se profile, il était peut-être bon de s’y replonger pour en perpétuer au moins le souvenir.

Le Grand Cimetière du faubourg Chartrain

Attesté pour la première fois en 1460 comme étant dans la censive de la Maison-Dieu (fief Saint-Barthélémy) puis après 1623 dans la censive de l’Oratoire, sa date de création reste toutefois inconnue et devait même être antérieure au XVe siècle. Il fut aussi appelé : cimetière de la Courtille (ou de la Grande Courtille).

Le 5 germinal an XIII (26 mars 1805), l’état des propriétés communales de la ville le définissait ainsi :

«Situé à côté du faubourg Chartrain sur la grande route de Paris. Son terrain contient un arpent d’ancienne mesure de 100 perches de 28 pieds à la perche ou 125 ares (1ha 25a). Il appartient à la ville depuis un temps immémorial en vertu des concessions faites par des personnes charitables. Il est placé (délimité) au nord de tous côtés par des routes, entouré de murs de tous côtés et séparé de deux ou trois maisons qui l’avoisinent, par des chemins de traverses de manière que les exhalaisons ne se ressentent pas. Il est entouré d’arbres nouvellement plantés, c’est pourquoi le conseil a demandé sa conservation et celle de sa chapelle qui est au milieu, laquelle est réservée comme oratoire, attendu que sa superficie est plus que suffisante pour remplir les dispositions de la loi sur les inhumations».

Il était limité, en effet, au nord par le chemin de Vendôme à Saint-Ouen (l’actuelle rue du Gripperay), à l’est, par la ruelle Saint-Denis (qui n’était alors qu’une impasse venant buter sur les Ursulines, sans retour sur le faubourg), au sud, par la «ruelle des Venelles» (rue du Cheval Rouge), à l’ouest par le chemin de Chartres (la rue du faubourg Chartrain) là où se trouvait «la grande porte d’entrée». Celle-ci était située à mi-distance des actuelles rues du Cheval Rouge et du Gripperay (au droit des marches du théâtre), non pas parallèle mais perpendiculaire à la rue du faubourg dans un décochement du mur de clôture ; le seuil de la porte pouvait être surélevé de quelques marches, selon les sources.

Le cimetière était clos d’un mur sur tout son pourtour à l’exception de la partie nord, nord-est, où l’atlas Trudaine (vers 1750) signale «deux importantes constructions». En juin 1792, suite aux plaintes de nombreux citoyens, et bien que l’ensemble de la clôture tombât de vétusté, c’est précisément le mur donnant sur le Grand Faubourg qui dut être reconstruit en priorité «suivant l’alignement donné par ces messieurs de la voyrie».
Lieu d’inhumation essentiellement destiné aux indigents et gens de modestes conditions jusqu’à la Révolution, peut-être ensevelis à même la terre, ce cimetière ne possédait guère de pierres tombales ni même de croix pour les identifier. Ainsi, le 7 juin 1678, la commune devait créer dans la chapelle un nouvel établissement pour justement accueillir tous ces miséreux.
Après la Révolution, ce fut le seul cimetière de Vendôme à l’usage des paroisses Saint-Martin et de la Madeleine.

Sa chapelle

Sa chapelle dédiée à Notre-Dame de Toussaint, était encore appelée communément la chapelle du Grand Cimetière.
Si R. de Saint-Venant situe cette chapelle  proche de la rue Saint-Denis, (vers l’angle sud-est du cimetière), de direction nord-sud, un dessin relevé aux Archives départementales de Blois et l’état des propriétés communales (voir ci-dessus) la place en son milieu (là où s’élevait l’ancien théâtre), dans l’axe ouest-est, non loin de l’entrée. Tout comme d’ailleurs le plan de Vendôme extrait de l’atlas Trudaine au XVIIIe siècle le confirme. En revanche, le plan cadastral napoléonien de 1811, s’il indique l’emprise du cimetière, exclut totalement cette chapelle pourtant encore non détruite.
Comprenant, semble-t-il, deux corps de bâtiments joints (une nef et un sanctuaire), d’inégale hauteur et d’importance différente, cet édifice, orienté, situé donc au centre du cimetière, était considéré comme une double chapelle. Une fosse commune se situait à son chevet semi-circulaire ; c’est peut-être là que furent ensevelis une partie des ossements des Bourbon-Vendôme suite au sac de la collégiale du château en mai 1793 ou encore les corps de Babeuf et de Darthé, guillotinés le 8 prairial an V (27 mai 1797), qui sait ?

Le 1er novembre 1495, le corps du comte de Vendôme François de Bourbon (1478-1495), époux de Marie de Luxembourg, mort à Verceil (Italie), tout juste âgé de 25 ans, y avait été déposé en attendant ses grandioses funérailles prévues le lendemain. C’est de là que partirent, processionnellement, accompagné de l’évêque de Chartres, René d’Illiers, le chapitre Saint-Georges (du château) et l’ensemble du clergé de Vendôme, pour rejoindre la Trinité.

Déjà reconstruite en 1617 au moyen d’un legs de 900 livres fait par un certain « François Neilz, marchand à Vendôme » qui léguait, en outre, une rente de trois setiers (45 décalitres) de blé pour nourrir les pauvres du cimetière, la chapelle, le 26 avril 1814, sous un ouragan, verra encore un de ses pignons s’écrouler. Puis, courant janvier 1815, «la toiture de la grande chapelle étant tombée et que sa chute avait abîmé celle de la petite chapelle qui y est jointe», les avis de l’architecte-voyer, M Palaiseau et des deux paroisses d’une possible démolition furent envoyés au sous-préfet qui désira prendre à son tour l’opinion du conseil municipal.
Deux ans plus tard, le 20 février 1817, l’autorisation d’abattre la chapelle était accordée et sa  démolition était effective à la fin de la même année, la translation du cimetière (1832) étant déjà envisagée.

L’ancienne place Saint-Denis

Cette place, aujourd’hui complètement oubliée, occupait presqu’entièrement l’emprise de l’ancien Grand Cimetière du faubourg Chartrain, officiellement transféré le 19 novembre 1832 (et non en 1826 comme indiqué par erreur par R. de Saint-Venant) au nord de la ville, dans la plaine, route de la Tuilerie, là où il est actuellement.

Dans le projet d’aménagement de la future place, 33 ormeaux et acacias provenant de ce cimetière furent ainsi abattus et vendus en 1839. Puis, en juin 1843, pour occuper une partie du vaste espace laissé vacant, la construction d’une écurie par MM Dourze et Anjubault fut décidée. Prévue pour 60 chevaux, elle devait comprendre en plus un grenier planchéié, des auges, un puits, une clôture et une porte d’entrée sur le faubourg. Terminée, elle fut mise en location et fut bientôt occupée par les chevaux du quartier de cavalerie, son entretien restant toutefois à la charge de la ville.
Par voie délibérative, le 2 août 1858, tout l’espace laissé libre, outre l’écurie, prit alors le nom de «Place Saint-Denis» du nom du quartier(1) et de la rue éponyme attenante y conduisant par l’est.

En 1875, pour agrémenter ce «nouveau square», des plantations furent décidées et deux ans plus tard (1877) on proposa d’y établir un marché aux chevaux qui devint si fréquenté qu’en mars 1881, les édiles se décidèrent d’y adjoindre un puits, un lieu d’aisance et une cabane pour abriter le gardien chargé de l’entretien des lieux.

Huit mois plus tard, toujours cette même année (1881), le choix  de l’implantation du nouveau théâtre, au centre de la place Saint-Denis, était arrêté.
Tandis que la municipalité se concentrait désormais sur l’important projet du théâtre, l’aspect de la place allait aussi se transformer. L’écurie, occasionnant de nombreuses réparations comme déjà en 1873, fut peu à peu abandonnée et arasée ; en même temps, le marché aux chevaux fut reporté (peut-être vers 1888) au Champ de Foire de l’Islette  qui prit le nom de place de la Liberté en 1913.

Enfin, en mai 1891, en remplacement de l’écurie, la ville fit construire deux groupes scolaires.

Il ne restait plus qu’à poursuivre et terminer la construction du théâtre qui s’élevait au centre de la place, entre les deux écoles «Saint-Denis», sur l’emplacement même de l’ancienne chapelle Notre-Dame de Toussaint du cimetière. Les deux  nouvelles voies ainsi créées furent baptisées, le 6 novembre 1892 :  rue du Colonel Lebel (1838-1891), côté sud, inventeur du fusil de guerre qui porte son nom, Vendômois par alliance (inhumé au cimetière de la Tuilerie) et rue Yvon Villarceau (1813-1883), côté nord, astronome et mathématicien qui se retira à Vendôme (maison dite de la Retraite, rue du roi Henri).

Le théâtre municipal

Dès 1876, devant la vétusté de la salle située au-dessus de l’actuelle brasserie de la «Comédie» accueillant alors les bals et les représentations théâtrales, le projet de construction d‘un nouveau théâtre, à Vendôme, fut émis. Une idée qui fit son chemin puisqu’en novembre 1881 (comme indiqué plus haut) son emplacement était même arrêté.

En août 1882, un concours pour sa construction fut lancé et le mémoire de l’architecte de la ville, Gaston Chautard, fut ainsi retenu. Après bien des réunions du conseil municipal, le chantier devait s’ouvrir une dizaine d’année plus tard. Le gros œuvre achevé fin 1892 fut recouvert d’une charpente métallique et en mai 1894 l’aménagement intérieur, scène et coulisses comprises, était terminé. Tendue de velours cramoisi, la salle en fer à cheval comportait un balcon et des loges, 106 fauteuils d’orchestre, 108 stalles et 200 parterres. L’inauguration eut lieu le 16 juin 1894.

Mais modernité oblige, l’installation d’un «cinématographe» (muet) fut proposé en 1913, sans suite. Toutefois, il faudra attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour retrouver les tournées théâtrales interrompues depuis cinq ans et 1922 pour voir ce théâtre transformé maintenant en salle de projection.

Entre les deux guerres, le théâtre-cinéma subira encore de nombreuses améliorations : l’électricité remplaçant l’éclairage au gaz, installation d’un chauffage central, bar américain à l’étage, vitrines d’exposition dans le hall d’entrée et toilettes… Et en juin 1931, les Vendômois purent enfin visionner le premier film sonore.

Si la Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre restent une sombre période pour le théâtre-cinéma, il faudra encore attendre 1955, après cinq années de fermeture provisoire, pour que ce dernier subisse une transformation intérieure complète et devienne un cinéma à part entière. Ne laissant que les murs porteurs, la salle originelle conçue uniquement pour le théâtre fut entièrement réaménagée du sol au plafond et le 27 mars 1956, le théâtre municipal rebaptisé le «Ronsard» fut ainsi inauguré.

À partir de février 1969, M et Mme Henriot et leurs enfants allaient maintenant régner sur le «Ronsard» avec compétence et professionnalisme. Une belle amitié durable dans le temps (plus de 35 ans) entre les nouveaux et derniers concessionnaires, les Vendômois et le 7e Art, était née.
Le 20 mai 2009, le vieux théâtre-cinéma faisait place à «Ciné Vendôme».
Mais en juin 2014…Nous connaissons la suite.

ST-DENIS-théâtre-et-écoles-fillesLes écoles Saint-Denis

Alors que le futur théâtre municipal s’édifiait sur l’ancienne place Saint-Denis, la ville projetait d’y adjoindre, de part et d’autre, comme il fut dit plus haut, deux groupes scolaires. À l’état de projet (plans et devis) dès 1889, la construction de ces deux écoles, à l’emplacement de l’ancienne écurie notamment, semble commencer, simultanément,  en mai 1891. Leur inauguration eut lieu le 14 juillet 1892 : l’école des garçons, au sud, celle des filles, au nord, prenant toutes deux le nom du quartier.

Chacun des deux groupes était composé, à l’origine, d’un bâtiment abritant quatre classes sur un seul rez-de-chaussée surmonté d’un comble. Les cours de récréation et leur préau, côté est, étaient entourés d’un haut mur avec un portail, mais l’entrée des élèves se faisait par un hall d’accueil renfermant toilettes communes et vestiaires, rue du Cheval Rouge pour les garçons, rue du Gripperay, pour les filles.
Les deux classes préfabriquées situées dans l’angle nord-est de la cour des garçons pourraient avoir été construites en 1938.

Quant aux directeurs et directrices, ils avaient leurs logements de fonction, tant côté garçons que filles, en angle, sur le faubourg Chartrain, deux belles et spacieuses maisons à étages, style fin XIXe siècle, avec dépendances, mais logeant aussi, parfois, d’autres enseignants. Les jardins clos de hautes grilles donnant aussi sur le faubourg, avec parterres fleuris entretenus par la ville, restaient privés.

En 1915, les deux écoles et le théâtre, pour accueillir un nombre croissant de blessés rapatriés des zones de combats, furent transformés par le service de santé militaire en hôpital (ambulance) complémentaire n°  5.

En 1942, l’école des garçons fut de nouveau réquisitionnée en totalité, mais cette fois par les Allemands ; les élèves furent regroupés pour la plupart à l’école maternelle du faubourg Chartrain (détruite en 1983, aujourd’hui la Résidence de l’Orangerie). L’école des filles, encore libre, sera à son tour envahie par l’occupant fin 1943. Certaines d’entre elles furent alors envoyées à la Cormegeaie, rue Poterie, d’autres à la même maternelle du faubourg qui, devant la saturation des locaux, se vit bientôt dans l’obligation d’accueillir, les garçons, le matin et les filles, l’après-midi.

La Seconde Guerre mondiale terminée, par décision du conseil municipal en date du 26 juin 1945, l’école Saint-Denis des filles, prenait le nom d’école Yvonne Chollet, du nom de son ancienne institutrice arrêtée le 6 mai 1943, pendant sa classe, pour faits de résistance et morte en déportation à Ravensbrück le 31 janvier 1944.

Dix ans plus tard, en 1955, l’école Saint-Denis-Yvonne Chollet, déménageait rue Saint-Denis, s’installant dans l’ancien collège de jeunes filles du Bellay qui avait fusionné avec le lycée Ronsard (rue Saint-Jacques) en 1947. Le souvenir de Madame Chollet était ainsi préservé.
Dans les années 1960, les deux groupes scolaires furent reconvertis en Collège d’Enseignement Général et pour ce faire, les bâtiments primitifs originels furent surélevés d’un étage et aménagés en conséquence.

Puis, avec la construction du nouveau collège  Gérard Yvon ouvert en 1974 (arasé en 2014), les locaux de Saint-Denis devenus libres profitèrent aux associations et à différents services administratifs, les cours de récréation étant reconverties en parking public, côté sud, « privé », côté nord.
Et il en fut ainsi jusqu’à cette année 2016 …

Note (1) : Le quartier prend son nom de la vaste plaine Saint-Denis, comprise alors entre la tenue de l’Islette et le Gripperay et qui devait elle-même son appellation à la très ancienne chapelle Saint-Denis située rive droite de la rivière… « Saint-Denys » (aux environs de l’impasse du Chemin vert du Docteur Faton).

Sources : Recherches et étude personnelles (Archives départementales, communales, Fonds ancien de la bibliothèque et de la Société archéologique, etc).

Iconographie : collection particulière.

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